de combiner & même de voir à la fois un grand
nombre de chofes ! Comparons les oeuvres de la Nature
aux ouvrages de l’homme ; cherchons comment tous
deux opèrent, & voyons h 1 efprit, quelqùaétif, cjuel-
qu’étendu qu’il fo it , peut aller de pair & fuivre la
même marché , fans le perdre lui- même ou dans
l ’immenfité de l’fefpace , ou dans les ténèbres du
temps, ou dans le nombre infini de la combinaifon
des êtres. Que l’homme dirige la marche de fon
efprit fur un objet quelconque ; s’ il voit ju llc , il prend
la ligne droite , parcourt Je moins d’efpace emploie
le moins de temps polfible pour atteindre à fon but ;
combien ne lui faut-il pas déjà de réflexions & de
combinaifons pour ne pas entrer dans les lignes obliques
, pour éviter les faulfes routes, les culs-de-làcs,
les chemins creux qui tous fie préfentent les premiers,
&. en fi grand nombre, que le choix du vrai fentier
fuppofe la plus grande jufteffle de difcernement ; cela
cependant efi polfible, c ’eft-à-dire, n’ell pas au-delTus
des forces d’un bon efprit, il peut marcher droit fur
fa ligne & làns s’écarter ; voilà fa maniéré d aller la
plus fùre & la plus ferme : mais il va fur une ligne
pour arriver à un point ; & s’il veut J.ulu un autre
point, il ne peut l’atteindre que par une autre ligne;
la trame de fes idées eft un fil délié, qui s etènd en
longueur fans autres dimenfions '• la Nature au contraire
ne fait pas un feul pas qui ne foit en tout fens ; en
marchant en avant, elle s’étend à côté & s élève ay-
J V OM E N C L A T U R E D E S S l N G E S . 2 3
delïus ; elle parcourt & remplit à la fois les trois
dimenfions ; & tandis que l’homme n’atteint qu’un
point, elle arrive au folide , en embralfe le volume &
pénètre la malfe dans toutes leurs parties. Que font nos
Phidias lorfqu’ils donnent une forme à la matière brute !
à force d’art & de temps ils parviennent à faire une
furface qui repréfente exaélement les dehors de l’objet
qu’ils fe font propofé : chaque point de cette furface
qu’ils ont créée ,. leur a coûté mille combinaifons ;
leur génie a marché droit fur autant de lignes qu’il
y a de traits dans leur figure ; le moindre écart l’auroit
déformée : ce marbre fi parfait qu’il femble refpirer,
n’efl donc qu’une multitude de points auxquels l ’Ar-
tifte n’eft arrivé qu’avec peine &fueceffivement; parce
que l ’efprit humain ne faififfant à la fois qu’une feule
dimenfion , & nos fens ne s’appliquant qu’aux furfaces
nous ne pouvons pénétrer la matière & ne favoris que
l ’effleurer : la Nature au contraire fait la brader & la
remuer à fond ; elle produit fes formes par des aétes
prefqu’inftantanés; elle les développe en les étendant
à la fois dans les trois dimenfions ; en même temps-
que fon mouvement atteint àlafurfàce, lésforces pénétrantes
dont elle eft animée , opèrent à l’intérieur ;
chaque molécule eft pénétrée ; le plus petit atome,,
dès qu’elle veut l ’employer, eft forcé d’obéir ; elle
agit donc en tout fens, elle travaille en avant, en arrière,,
en bas, en haut, à droite, à gauche , de tous côtés à;
k fo is par conféquent elle embraffe non-feulement.-