depuis environ deux cents cinquante ans, i’on ne s’èfb
pas aperçu que les familles noires qui fe font foutenues,.
fans mélange, aient perdu quelques nuances de leur,
teinte originelle ; il eft vrai que ce climat de l’Amérique
méridionale étant par lui-même allez chaud pour brunir
fesdiabitans, on ne doit pas s’étonner que les. Nègres
y demeurent noirs : pour faire l’expérience du changement
de couleur dans l’efpèce humaine, il faudroit
tranfporter quelques individus de cette race noire dm
Sénégal en Danemarck , où l ’homme ayant communément
la peau blanche , les-cheveux blonds, les yeux
bleus , la différence du fang & l’oppofition de couleur
eft la plus grande. Il faudroit cloîtrer ces Nègres avec
leurs femelles, & conferver fcrupuleufement leur race
fans leur permettre de la eroifer ; ce moyen eft le feul
qu’on puilfe employer pour favoir combien il faudroit de
temps pour réintégrer à cet égard la nature de l’homme ;
& par la même raifon , combien il en a.Mu pour la
changer du blanc au noir.
C ’oft-là la plus grande altération que le ciel ait fait fuhir
à l ’homme, & l’on voit qu elle n’eft pas profonde ; la
couleur de la peau, des cheveux & des yeux g varie par
la feule influence du climat; les autres changemens tels
que ceux de la. ta ille d e la forme des traits. & de la
qualité des cheveux, ne me paroiffent pas dépendre de
cette feule caufe; car dans la race des Nègres, lefquels,
comme l ’on fait, ont pour la plupart la tête couverte
d’une laine crépue le nez épaté, les lèvres épaiffes,
on trouve des nations entières avec de longs & vrais
cheveux , avec -des traits réguliers; & fi l’on comparait
dans la race des Blancs le Danois au Calmouque , où
feulement le Finlandois au Lappon dont il eft fi voifin ,
on trouverait entr’eux autant de différence pour les traits
& la taille, qu’il y en a dans la race des Noirs : par
conféquent il faut admettre pour ces altérations qui font
plus profondes que les premières, quelques autres caufes
réunies avec celle du climat: la plus générale & lapins
directe eft la qualité de la nourriture ; c ’eft principalement
par les alimens que l’homme reçoit l’influence
de la terre qu’il habite , celle de l’air & du ciel agit
.plus fiiperficiellement ; & tandis qu’elle altère lafurface
la plus extérieure en changeant la couleur de la peau,
la nourriture agit fur la forme intérieure par fes propriétés
qui font conftamment relatives à celles de la
terre qui la produit. On voit dans le même pays des
différences marquées entre les hommes qui en occupent
les hauteurs, & ceux qui demeurent dans les lieux bas;
les habitans de la montagne font toujours mieux faits,
plus vifs.& plus beaux que ceux de la vallée; à plus
forte raifon dans des climats éloignés du climat primitif,
dans des climats où les herbes, les fruits, les grains & la
chair des animaux font de qualité & même de fiubftance
différentes, 'les hommes qui s’en nourriftènt doivent
devenir différens. Ces impreffions ne fe font pas fubi-
tement ni même dans d’efpace de quelques années ; il
faut du temps pour q u e l ’homme reçoive la teinture du
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