4 6 H i s t o i r e N a t u r e l l e
le véritable qui eft de la taille des plus grands hommes ;
ce ne feroit pas non plus celui cpie nous appefons/tfofo
6c que j’ai vu vivant : car, quoiqu’il foit de la taille que
M. Linnæus donne au Tien, il en diffère néanmoins
par tous les autres caractères. Je puisaffurer, l’ayant
vu plufieurs fois, que non-feulement il ne parle ni ne
fiffie pour s’exprimer, mais même qu’il ne fait rien qu’un
chien bien inftruit ne put faire : 6c d’ailleurs il diffère
prefqu’en tout de la defcription que M. Linnæus donne
de l’orang-outang, 6c fe rapporte beaucoup mieux à celle
du fatyrus de ce même Auteur: je doute donc beaucoup
de la vérité de la defcription de cet homme nocturne
; je doute même de fon exiltence, 6c c ’eft probablement
un Nègre blanc , un chacrelas * que les
Voyageurs , cites par M. Linnæus, auront mal vu 6c
mal décrit. Car ces chacrelas ont en effet, comme
Y homme noâurne de cet Auteur, les cheveux blancs ,
laineux 6c frifés, les yeux rouges , la vue foible , 6cc.
Mais ce font des hommes , 6c ces hommes ne .fifflent
pas 6c ne font pas des pigmées de trente pouces de
hauteur ; ils penfent, parlent 6c agiffent comme les autres
hommes , 6c. font auffi de la même grandeur.
En écartant donc cet être mal décrit, en ffippofant
auffi un peu d’exagération dans le récit de Bontius, un
peu de préjugé dans ce qu’ il raconte de la pudeur de
* Voyez ce que nous avons dit de cette race d’hommes dans notre
Difcours fur tes variétés de l’etpèce humaine. Volume I I I de cette
H'ftoire naturelle.
fa femelle orang-outang , il ne nous réitéra qu’un
animal, un finge , dont nous trouvons ailleurs des
indications plus précifes. Edward Tyfon a , célèbre
Anatomifte Anglois , qui a fait une très-bonne defcription
, tant des parties extérieures qu’intérieures de
l ’orang-outang, dit qu’il y en a de deux efpèces, 6c
que celui qu’il décrit n’eft pas fi grand que l’autre
appelé barris b ou baris par les Voyageurs , 6c vulgairement
drill par les Anglois. C e barris ou drill eft en
effet le grand orang-outang des Indes orientales où le
pongo de Guinée, 6c le pigmée décrit par Tyfon eft
le jocko que nous avons vif 'vivant. Le Philofophe
Gaffendi ayant avancé, fur le rapport d’un Voyageur
nommé S I Amand, qu’il y avoit dans l ’île de Java
une efpèce de créature qui fàifoit la nuance entre
l’homme 6c le linge , on n’héfita pas à nier le fait :
pour le prouver , Peirefc produifit une lettre d’un
M. Noël ( Natalis ) Médecin qui demeuroit en Afrique,
par laquelle il affurec qu’on trouve en Guinée de très-
’ The anatomy o f a Pygmie. London, i 6 ÿ y , in-4.’
k The Baris or Barris, Which they deicribe to be much taller than
our animal, probably may be what we calt a D rill. T yfon, anat. o f
a pygmie, pag. i .
I Sunt in Guinea fimiæ , ' barbâ procerâ canaque & pexâ propemodum
venerabiles, incedunt lente ac videntur prce ceeteris fapere ; maximi funt à f
Barris dicuntur ; pollent maxime judicio, femel dumtaxat quidpiam docendi.
Vefe induti illico bipedes incedunt. S cite ludunt ffîu lâ , cytharâ aliifquc
id genus. . . . Foemince denique in iis patiuntur menjhua, à f mares mu-
lierum funt appetentijfimi. Gaffendi, lib. V.