espaces des chaînes plus élevées, où nous ne voyons pas que nos
animaux aient laissé des traces.
Grâces aux recherches de M. Adolphe Brongniart, nous connaissons
aussi la nature des végétaux qui couvraient ces terres peu nombreuses.
On recueille, dans les mêmes couches que nos palæothe-
riums, des troncs de palmiers et beaucoup d’autres de ces belles,
plantes dont les genres ne croissent pins que dans les pays chauds;
les palmiers, les crocodiles, les trionyx, se retrouvent toujours en
plus ou moins grand nombre là où se trouvent nos anciens pachydermes
(i).
Mais la mer, qui avait recouvert ces terrains et détruit leurs animaux,
laissa de grands dépôts qui forment encore aujourd’hui, à peu
de profondeur, la base de nos grandes plaines ; ensuite elle se retira
de nouveau, et livra d’immenses- surfaces à une population nouvelle,
à celle dont les débris remplissent les couches sablonneuses et limoneuses
de tous les pays connus.
C est à ce dépôt paisible de la mer que je crois devoir rapporter
quelques cétacés fort semblables à ceux de nos jours : un dauphin
voisin de notre épaulard (2), et une baleine (3) très-semblable à nos
rorquals déterrés l’un et l’autre en Lombardie par M. Cortesi; une
grande tête de baleine trouvée dans l’enceinte même de Paris (4) , et
décrite parLamanon et par Daubenton; et un genre entièrement
nouveau, que j’ai découvert et nommé ziphius, et qui se compose
déjà de trois espèces. Il se rapproche des cachalots et des hypé-
roodons (5).
Dans la population qui remplit nos couches meubles et superficielles,
et qui a vécu sur le dépôt dont nous venons de parler, il n’y a plus ni
palæotheriums, ni anoplotheriums,ni aucun de ces genres singuliers. 1
(1) Voyez mes Recherches sur les ossemens fossiles, tome in, pages 351 et suivantes.
(2) Ibid. , tome v , première partie, page 309.
(3) Ibid. , page 3go;
(4) Ibid., page 393.
(5) Ibid. , pages 352 et SS'j.
Les pachydermescependanty dominaient encore, mais des pachydermes
gigantesques, des éléphans, des rhinocéros, des hippopotames,
accompagnés d’innombrables chevaux et de plusieurs grands rumi-
nans. Des carnassiers de la taille du lion, du tigre, de l’hyène désolaient
ce nouveau règne animal. En général, son caractère, même
dans l’extrême nord et sur les bords de la mer Glaciale d’aujourd’hui,
ressemblait à celui que la seule zone torride nous offre maintenant,
et toutefois aucune espèce n’y était absolument la même.
Parmi ces animaux se montrait surtout l’éléphant appelé mammouth
par les Russes ( Elephas Primigenius. Blumenb.), haut de
quinze et dix-huit pieds, couvert d’une laine grossière et rousse,
et de longs poils roides et noirs qui lui formaient une crinière le
long du dos; ses énormes défenses étaient implantées dans des alvéoles
plus longs que ceux des éléphans de nos jours ; mais du reste
il ressemblait assez à l’éléphant des Indes (r). Il a laisse des milliers
de ses cadavres, depuis l’Espagne jusqu’aux rivages de la Sibérie,
et l’on en retrouve dans toute l’Amérique septentrionale, en sorte
qu’il était répandu des deux côtés de l’Océan, si toutefois l’Océan
existait de son temps à la place où il est aujourd’hui. Chacun sait
que ses défenses sont encore si bien conservées dans les pays froids,
qu’on les emploie aux mêmes usages que l’ivoire frais; et comme
nous l’avons fait remarquer précédemment, on en a trouvé des
individus avec leur chair, leur peau et leurs poils, qui étaient demeurés
gelés depuis la dernière catastrophe du globe. Les Tartares
et lês Chinois ont imaginé que c’est un animal qui vit sous terre, et
qui périt sitôt qu’il aperçoit le jour.
Ap rès lui, et presque son égal, venait aussi dans les pays qui forment
les deux continens actuels, le mastodonte a dents étroites,
semblable à l’éléphant, armé comme lui d’énormes défenses, mais
de défenses revêtues d’émail, plus bas sur jambes, et dont les mâ-
chelières,mamelonnées et revêtues d’un émail épais et brillant, ont
(0 Voyez mes Recherches sur les ossemens fossiles, tome 1, pages 75 à ig5 et 335; tome
jiii, pages 371 et 4o5 ; tome iv , page 491 •