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 m 74 DISCOURS  SUR  LES  RÉVOLUTIONS 
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 mèdes  que  l’on  pourrait  appliquer  aux  dévastations  qu’occasionent  
 les  crues  du  Pô,  il  a  constaté  que  cette  rivière,  depuis l’époque  où 
 ment Vadis, Padus ou Podincus , qui avait sur sa  rive  gauche  , au  point  de  diramation  de  
 ces bouches, la  ville de  Trigopolis, dont  la position  doit  être  peu  éloignée de  celle de  Fer-  
 rare.  Sept  lacs  renfermés  dans le Delta prenaient le nom de  Septem Maria,  et Hatria  est  
 quelquefois appelée  TJrbs Septem Marium. 
 En  remontant  le  rivage  du  côté  du nord,  à  partir  à!Hatria,  on  trouvait  l’embouchure  
 principale  de VAthesis,  appelée  aussi Fossa Philistina,  puis Y Æstuariinn Altini, mer  intérieure, 
   séparée de la grande par  une ligne  d’îlots,  au milieu  de  laquelle  se  trouvait  un  
 petit archipel  d’autres  îlots,  appelé  Rialtum ;  c’est  sur  ce petit  archipel  qu’est maintenant  
 située Venise î Y AEstuarium  Altini est la lagune de  Venise  qui  ne communique  plus  avec  
 la mer que  par cinq passes,  les îlots ayant été réunis pour former une digue continue. 
 A   l’est  des  lagunes  et  au nord  de  la  ville  à’Este  se  trouvent  les  monts  Euganéens,  
 formant,  au milieu  d’une vaste plaine d’alluvions, un groupe isole et remarquable de pitons,  
 dans les  environs  duquel on place  le lieu de  la  fameuse chute  de Phaéton. Quelques auteurs  
 prétendent  que des masses énormes de matières  enflammées,  lancées par des explosions volcaniques  
 dans les bouches de  l’Eridan ,  ont donné  lieu  à  cette  fable.  Il  est bien  vrai  qu’on  
 trouve  aux environs de Padoue  et de Vérone beaucoup  de produits volcaniques. 
 Les renseignemens que j’ai recueillis  sur le gisement de la côte de l’Adriatique aux bouches  
 du Pô,  commencent au  douzième  siècle  à  avoir  quelque précision  :  à  cette époljue  toutes les  
 eaux du Pô coulaient au  sud de  Ferrare dans le Pô di yolano  et  le Pô  di Primaro,  dirama-  
 tions  qui embrassaient l’espace occupé par la lagune de  Commachio.  Les  deux  bouches dans  
 lesquelles  le  Pô  a  ensuite fait  une  irruption  au  nord  de  Ferrare,  se  nommaient,  l’une,  
 fiume  di  Corbola, ou  di Longola,  ou  del Mazorno ; l’autre , 'fiume  Toi. La  première , qui  
 était la  plus  septentrionale,  recevait près  de  la  mer le  Tartaro  ou  canal Bianco  :  la  seconde  
 était  grossie à  Ariano par une dérivation  du Pô,  appelée  fiume  Goro. 
 Le rivage de  la  mer  était  dirigé  sensiblement du  sud  au nord,  à une  distance  de dix ou  
 onze mille mètres du méridien  d’Adriaj il passait au  point où  se  trouve  maintenant  l’angle  
 occidental  de  l’enceinte de la Mesolay  et Loreo,  au  nord de  la Mesola,  n’en était  distant  
 que d’environ deux cents mètres. 
 Vers le milieu du douzième siècle  les grandes  eaux  du Pô passèrent  au  travers  des  digues  
 qui les  soutenaient du  côté  de leur rive gauche, près de  la petite ville de Ficarolo,  située  à  
 dix-neuf mille  mètres  au nord-ouest  de Ferrare,  se répandirent  dans  la  partie  septentrionale  
 du territoire  de  Ferrare  et  dans  la  polésine  de  Rovigo,  et  coulèrent  dans  les  deux  
 canaux ci-dessus mentionnés  de Mazorno  et de  Toi.  Il  paraît  bien  constaté  que  le  travail  
 des hommes a beaucoup  contribué à  cette  diversion  des  eaux du  Pô  :  les  historiens  qui  ont  
 parlé  de  ce  fait remarquable,  ne diffèrent entre  eux  que par  quelques details.  La tendance  
 du  fleuve  à  suivre  les nouvelles  routes  qu’on lui  avait  tracées,  devenant  de'jour  en  jour  
 plus énergique,  ses  deux branches du  Volano  et  du  Primaro  s’appauvrirent  rapidement,  
 et  furent,  en  moins  d’un  siècle,  réduites  à  peu près  à l’état  où  elles  sont  aujourd’hui.  Le  
 régime du fleuve  s’établissait entre  l’embouchure  de l’Adige  et  le point appelé  aujourd’hui  
 Porto  di Goro ;  les  deux  canaux  dont  il  s’était  d’abord  emparé  étant  devenus  insuffisans, 
 on l’a enfermée de digues,  a tellement élevé son  fond, que la surface  
 de  ses  eaux  est maintenant  plus haute  que  les  toits  des  maisons de 
 il's’en  creusa de nouveaux;  et au commencement du  dix-septième  siècle sa  booche  principale  
 ,  appelée  Sbocco  di  Tramontana,  se  trouvant  très-rapprochée  de  l’embouchure  de  
 l’Adige ,  ce  voisinage alarma les Vénitiens,- qui  creusèrent ,- en  1604,  le nouveau  lit  appelé  
 Taglio di Porto  Viro  ou Po delle Fornaci,  au moyen duquel  la Bocca Maestra  se  trouva  
 écartée  de l’Adige du  côté du midi. 
 Pendant les quatre  siècles  écoulés  depuis la  fin du douzième  jusqu’à la  fin du seizième, les  
 alluvions du Pô  ont^agné  sur  la mer une étendue  considérable.  La  bouche du  nord ,  celle  
 qui  s’était  emparée  du  canal  de  Mazorno,  et  formait le  Ramo  di  Tramontana,  était f  en  
 1600,  éloignée  de vingt mille mètres  du méridien d’Adria ;  et la bouche  du  sud ,  celle  qui  
 avait  envahi le  canal Toi,  était  à la même époque à dix-sept mille mètres  de  ce méridien;  
 ainsi le rivage  se trouvait recule de neuf ou  dix mille mètres au nord, et de six ou sept mille  
 mètres  au  midi.  Entre  les  deux bouches  dont  je  viens  de parler ,  se  trouvait une  anse  ou  
 partie du rivage moins  avancée,  qu’on  appelait Saçca  di  Goro» 
 'Les  grands travaux de diguement du fleuve ,  et une  partie considérable  des défrichemens  
 des revers méridionaux  des Alpes,  ont  eu  lieu.dans cet intervalle  du  treizième  au  dix-septième  
 siècle... 
 Le Tagîio di Porto Viro détermina  la marche des alluvions dans l’axe du vaste promontoire  
 que forment Actuellement  lés bouches du Pô. A  mesure que  les  issues à la mer s’éloignaient,  
 la  quantité  annuelle  de  dépôt s’accroissait  dans une proportion effrayante ,  tant  par la  diminution  
 de  la pente  des eaux  (suite nécessaire  de  l’allongement  du  lit),  que  par  l’emprisonnement  
 de  ces eaux  entre des  digues ,  et  par la  facilité  que  les défrichemens donnaient  
 aux torrens  affluens  pour  entraîner  dans la  plaine  le  sol  des montagnes.  Bientôt  l’anse  de  
 Sacca  di  Goro fut comblée,  et les deux promontoires formés par les  deux premières bouches  
 se  réunirent  en  un  seul ^ dont  la pointe  actuelle  se  trouve  à  trente-deux  ou  trente-rtrois  
 mille mètres  du  méridien  d’Adria;  en  sorte que,  pendant deux siècles,  les bouches du  Pô  
 ont gagné  environ quatorze mille mètres  sur la mer. 
 Il résulte des faits dont je  viens de  donner un  exposé  rapide,  i°.  qu’à  des  époques  antiques, 
   dont  la  date précise  ne  peut pas  être  assignée,  la mer Adriatique  baignait  les  murs  
 d’Adria. 
 C20.  Qu’au  douzième  siècle, ayant qu’on  eût  ouvert  à Ficarolo  une  route aux  eaux  du Pô  
 stir  leur  rive  gauche,  le  rivage  de la mer s’était  éloigné d’Adria de neuf à dix mille mètres. 
 3°.  Que  lés  pointes  des  promontoires  formés  par  les  deux  principales  bouches  du  Pô  
 se  trouvaient,  en  l’an  1600,  avant  le  Taglio  di Porto  V iro,  à  une  distance moyenne  de  
 dix-huit mille cinq cents mètres  d’Adria, ce qui,  depuis î’an  1200,  donne  unè marche d’alluvions  
 de vingt-cinq  mètres  par an. 
 4°.  Que la  pointe  du promontoire  unique,  formé  par  les  bouches  actuelles,  est éloignée  
 de trente-deux  ou  trente-trois mille  mètres  du  méridien  d’Adria ;  d’où  on  conclut  une  
 marche  moyenne  des  alluvions  d’environ  soixante-dix  mètres  par  an  pendant  ces  deux  
 derniers siècles , marche qui, rapportée à des époques  peu éloignées, se trouverait etre beaucoup  
 plus rapide.  ?  De  Prony.