sait évidemment tous les témoignages; aussi personne n’a-t-il été de
son avis en ce point, excepté les apothicaires qui ont pris la cigogne
pour emblème, parce qu’ils l’ont confondue avec l’ibis auquel on
attribue l’invention des clystères (i).
Prosper Alpin, qui rappelle que cette invention est due à l’Ibis,
ne donne aucune description de cet oiseau dans sa médecine des
Egyptiens (2). Dans son histoire naturelle d’Egypte, il n’en parle que
d’après Hérodote, aux termes duquel il ajoute seulement, sans doute
d’après un passage de Strabon que je rapporterai plus bas, que cet
oiseau ressemble à la cigogne par la taille et par la figure. Il dit
avoir appris qu’il s’en trouvait en abondance de blancs et de noirs
sur les bords du Nil; mais il est clair, par sés expressions mêmes,
qu’il ne croyait pas en avoir vu (3).
Shaw dit de l’ibis (4) qu’il est aujourd’hui excessivement rare, et
qu’il n’en a jamais vu. Son emseesy ou oiseau de boeuf, que Gmelin
rapporte très-mal à propos au tantalus ibis, a la grandeur du courlis,
le corps blanc, le bec et les pieds rouges. Il se tient dans les prairies
auprès du bétail : sa chair n’est pas de bon goût, et se corrompt
d’abord (5). Il est facile de voir que ce n’est pas là le tantalus, et
encore moins l’ibis des anciens.
Hasselquist n’a connu ni l’ibis blanc, ni l’ibis noir; son ardea
ibis est un petit héron qui a le bec droit. Linné avait très-bien fait
de le placer, dans sa dixième édition, parmi les hérons; mais il a eu
tort, comme je l’ai dit, de le transporter depuis comme synonyme
au genre tantalus.
De Maillet (Description de l’Egypte, partie n, page 23 ) conjecture
que l’ibis pourrait être l’oiseau particulier à l’Egypte, et qu’on
y nomme chapon de Pharaon, et a Alep saphan-bacha. Il dévoré * 2 3 4 5
‘(ij Ælian., lib. n , cap. xxxv;Plut., de solert. an.; Cic.,de nat. deor, lib. n;Phile de
anim. prop., 16, elc.
(2) De Med. Ægypt., lib. \, fol. i , vers. Édition de Paris, 1646.
(3) Rer. Ægypt., lib. iv, cap. t. 1, p. 199de l’édition de Leyde, 1735.
(4) Voyez la traduction française, tome 11, page 167.
(5) Voyez Shaw, traduct. franç., tome 1 , page 33o.
les serpens. Il y en a de blancs et de blancs et noirs ; et il suit, pendant
plus de cent lieues, les caravanes qui vont du Caire à la Mecque, pour
se repaître des carcasses des animaux qu’on tue pendant le voyage,
tandis que dans toute autre saison on n’en voit aucun sur cette route.
Mais l’auteur ne regarde point cette conjecture comme certaine; il
dit même qu’il faut renoncer à entendre les anciens lorsqu’ils ont
parlé de manière à ne vouloir pas être entendus. Il finit par conclure
que les anciens ont peut-être compris indistinctement sous le nom
d’ibis tous les oiseaux qui rendaient à l’Egypte le service de la purger
des dangereux reptiles que ce climat produit en abondance; tels
que le vautour, le faucon, la cigogne, l’épervier, etc.
Il avait raison de ne point regarder son chapon de Pharaon
comme l’ibis; car, quoique sa description soit très-imparfaite, et
que Buffon ait cru y reconnaître l’ibis, il est aisé de juger, ainsi que
par ce qu’en dit Pokocke, que cet oiseau doit être un carnivore;
et, en effet, on voit par la figure de Bruce (tome v, page 191 de
l’édition française) que la poule de Pharaon n’est autre chose que
le rachama ou le petit vautour blanc à ailes noires (vulturperenop-
terus Linni), oiseau très-différent de celui que nous avons prouvé
plus haut être l’ibis.
Pokocke dit qu’il paraît, par les descriptions qu’on donne de
l’ibis, et par les figures qu’il en a vues dans les temples de la Haute-
Egypte, que c’était une espèce de grue. J’ai vu, ajoute-t-il, quantité
de ces oiseaux dans les îles du Nil; ils étaient la plupart grisâtres
(Traduction française, édition in-12, tome n, page i 53). Ce peu de
mots suffit pour prouver qu’il n’a pas connu l’ibis mieux que les
autres.
Les érudits n’ont pas été plus heureux dans leurs conjectures
que les voyageurs. Middleton rapporte à l’ibis une figure de bronze
d’un oiseau dont le bec est arqué, mais court, le cou très-long et
la tête garnie d’une petite huppe, figure qui n’eut jamais aucune
ressemblance avec 1 oiseau des Egyptiens (antiq. ynonum., tab. x ,
page 129). Cette figure n’est d’ailleurs point du tout dans le style
égyptien, et Middleton lui-même convient qu’elle doit avoir été