vidus mêmes semblent nous avoir sacrifié leur moi, leur intérêt, leur
sentiment propre. Transportés par les hommes dans tout l’univers,
soumis à toutes les causes capables d’influer sur leur développement,
assortis dans leurs unions au gré de leurs maîtres, les'chiens varient
pour la couleur, pour l’abondance du poil, qu’ils perdent même
quelquefois entièrement; pour sa nature; .pour la taille qui peut
différer Comme un à cinq dans les dimensions linéaires, ce qui fait
plus du centuple de la masse; pour la forme des oreilles, du nez, de
la queue; pour la hauteur relative des jambes; pour le développement
progressif du cerveau dans les variétés domestiques, d’où résulte
la forme même de leur têt?, tantôt grêle, à museau effilé, à
front plat, tantôt à museau court, à front bombé; au point que les
différences apparentes d’un mâtin et d’un barbet, d’un lévrier et d’un
doguin, sont plus fortes que celles d’aucunes espèces sauvages d’un
même genre naturel; enfin, et ceci est le maximum de variation
connu jusqu’à ce jour dans le règne animal, il y a des races de chiens
qui ont un doigt de plus au pied de derrière avec les os du tarse cor-
respondans, comme il y a, dans l’espèce humaine, quelques familles
sexdigitaires.
Mais dans toutes ces variations les relations des os restent les
mêmes, et jamais la forme des dents ne change d’une manière
appréciable; tout au plus y a-t-il quelques individus où il sé
développe une fausse molaire de plus, sort d’un côté soit de
l’autre (i).
Il y a donc, dans les animaux, des caractères qui résistent à touffes
les influences, soit naturelles, soit humaines, et rien n’annonce que
le temps ait, à leur égard, plus d’effet que le climat et la domesticité.
Je sais que quelques naturalistes comptent beaucoup sur les milliers
de siècles qu’ils accumulent d’un trait de plume ; mais dans de
(i) Voyez le Mémoire de mon frère sur les Variétés des Chiens, qui est inséré dans les
Annales du Muséum d’histoire naturelle. Ce travail a été exécuté à ma prière avec les
squelettes que j’ai fait préparer exprès de toutes les variétés de Chien.
semblables matières nous ne pouvons guère juger de ce qu’un long
temps produirait, qu’en multipliant par la pensée ce que produit un
temps moindre. J’ai donc cherché à recueillir les plus anciens docu-
mens sur les formes des animaux , et il n’en existe point qui égalent,
pour l’antiquité et pour ^abondance, ceux que nous fournit l’Egypte.
Elle nous offre, non seulement des images, mais les corps des animaux
eux-mêmesembaumés dans ses catacombes.
J’ai examiné avec le plus grand soin les figures d’animaux et d’oiseaux
gravés sur les nombreux obélisques venus d’Egypte dans l’ancienne
Rome. Toutes ces figures sont, pour l’ensemble, qui seul a
pu être l’objet de l’attention des artistes, d’une ressemblance parfaite
avec les espèces telles que nous les voyons aujourd’hui.
Chacun peut examiner les copies qu’en donnent Kirker et Zoega :
sans conserver la pureté de trait des originaux, elles offrent encore
des figures très-reconnaissables.- On y distingue aisément l’ibis, le
vautour, la chouette, le faucon, l’oie d’Egypte, le vanneau, le râle
de terre, la vipère haje ou l’aspic, le céraste, le lièvre d’Egypte avec
ses longues oreilles, l’hippopotame même ; et dans ces nombreux
monumens gravés dans le grand ouvrage sur l’Egypte, on voit quelquefois
les animaux les plus rares,Talgazel, par exemple, qui n’a été
vu en Europe que depuis quelques années (i).
Mon savant collègue, M. Geoffroi Saint-Hilaire, pénétré de l’importance
de cette recherche, a eu soin de recueillir dans les tombeaux
et dans les temples de la Haute et de-la Basse-Egypte le plus qu’il
a pu de momies d’animaux. Il a rapporté des chats, des ibis, des
oiseaux de proie, des chiens, des singes, des crocodiles, une tête de
boeuf, embaumés; et l’on n’aperçoit certainement pas plus de différence
entre ces êtres et ceux que nous voyons, qu’entre les momies
humaines et les squelettes d’hommès d’aujourd’hui. On pouvait en
trouver entre les momies d’ibis et l’ibis;tel que le décrivaient jusqu’à
(i) La première image que l’on en ait d’après nature est dans la Description de la Ménagerie
, par mon frère : on le voit parfaitement représenté, Descrip. de l’Égypte. Antiq.,
tome iv , planche xux.