eux, non seulement par le tempérament, par le climat et par la nature
du sol qu'ils habitaient, mais encore par la constitution politique
et religieuse qu’ils s’étaient donnée, et dont cette constitution même
doit rendre le témoignage également suspect (i).
Chez tous les trois une caste héréditaire était exclusivement chargée
du dépôt de la religion, des lois et des sciences; chez tous les
trois cette caste avait son langage allégorique et sa doctrine secrète ;
chez tous les trois elle se réservait le privilège de lire et d’expliquer
les livres sacrés dans lesquels toutes les connaissances avaient été révélées
par les dieux eux-mêmes.
On comprend ce que l’histoire pouvait devenir en de pareilles
mains; mais saus se livrer à de grands efforts de raisonnement on peut
le savoir par le fait, en examinant ce qu’elle est devenue parmi celle
de ces trois nations qui subsiste encore : parmi les Indiens.
La vérité est quelle n’y existe point du tout. Au milieu de cette
infinité de livres de théologie mystique ou de métaphysique abstruse
que les brames possèdent, et que l’ingénieuse persévérance des Anglais
est parvenue à connaître, il n’existe rien qui puisse nous instruire
avec ordre sur l’origine de leur nation et sur' les vicissitudes
de leur société : ils prétendent même que leur religion leur défend
de conserver la mémoire de ce qui se passe dans làge actuel, dans
l’âge du malheur (a).
Après les Vedas, premiers ouvrages révélés et fondemens de toute
la croyance des Indous, la littérature de ce peuple comme celle des
Grecs commence par deux grandes épopées : le Ramaïan et le Mahâ-
barat, mille fois plus monstrueuses dans leur merveilleux que l’Iliade
et l’Odyssée, bien que l’on y reconnaisse aussi des traces d une
doctrine métaphysique du genre de celles que l’on est convenu d’ap-
O) Cette ressemblance des institutions Ta au point qu’il est très-naturel de leur supposer
une origine commune. On ne doit pas oublier que beaucoup d’anciens auteurs ont pensé que
les institutions égyptiennes Tenaient de l’Ethiopie , et que le Syncelle, page i 5 i , nous dit
positirement que les Éthiopiens étaient Tenus des bords de l’Indus du temps du roi Amenephtis.
* ■ i) Voyez Po lier , Mythologie des Indous, tome i , pages 89 et 91.
pôler sublimes. Les autres poèmes, qui font avec les deux premiers
le grand corps des Pouranas, ne sont que des légendes ou des romans
versifiés, écrits dans des temps et par des auteurs différens, et non
moins extravagans dans leurs fictions que les grands poèmes. On a
cru reconnaître dans quelques-uns de ces écrits des faits ou des noms
d hommes un peu semblables à ceux dont les Grecs et les Latins ont
parlé; et c’est principalement d'après ces ressemblances de noms
que M. Wilfort a essayé d’extraire de ces Pouranas une espèce de
concordance avec notre ancienne chronologie d’Occident, concordance
qui décèle à chaque ligne la nature hypothétique de ses bases,
et qui, déplus, ne peut être admise qu’en comptant absolument
pour rien les dates données par les Pouranas eux-mêmes (1).
Les listes de rois que des pandits ou docteurs Indiens ont prétendu
avoir compilées d’après ces Pouranas, ne sont que de simples
catalogues sans détails, ou ornés de détails absurdes, comme
en avaient les Chaldéens et les Egyptiens; comme Trithème et Saxon
le grammairien en ont donné pour les peuples du Nord (2). Ces
listes sont fort loin de s’accorder; aucune d’elles ne suppose ni une
histoire, ni des registres, ni des titrés : le fonds même a pu en être
imaginé par les poètes dont les ouvrages en ont été la source. L’un
dés pandits qui en ont fourni à M. Wilfort, est convenu qu’il remplissait
arbitrairement avec des noms imaginaires les espaces entre
les rois célèbres (3), et il avouait que ses prédécesseurs en avaient
fait autant. Si cela est vrai des listes qu’obtiennent aujourd’hui les
Anglais, comment ne le serait-il pas de celles qu’Abou-Fazel a données
comme extraites des Annales de Cachemire (4), et qui d’ailleurs, 1
(1) Voyez le grand travail de M. Wilfort, sur la chronologie des rois de Magadha , empereurs
de Tlnde , et sur les époques de Vicramaditjya(ou Bikermadjit), et de Salivahanna.
Mém. de Calcuttà , tomé ix, in-8°., page 82.
(2) Voyez Johnes, sur la chronologie des Indous, Mém. de Calcutta, édit. in-8°., tome u,
page m ; traduction française, page 164. Voyez aussi Wilfort sur ce même sujet, ïb id ,
torpè v , page 24.1, et les listes qu’il donne de son‘travail cité plus haut, tome ix, p. 116.
(3) Wilfort. Mém. de Calcutta, in—8°., tome ix, p. i 33.
(4) Dans 1 Ayeen-Achery, .tome 11, page i*38 de la traduction anglaise. Voyez aussi
Heeren, Commerce des Anciens, premier volume , deuxième partie , page Sag.