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Plus profondément des terrains d’eau douce d’une epoque plus
ancienne, et nommément ces fameuses plâtrières des environs de
Paris qui ont donné tant de facilité à orner les édifices de cette
grande ville, et où nous avons découvert des genres entiers d animaux
terrestres dont on n’avait aperçu aucune trace ailleurs.
Elles reposent sur ces bancs non moins remarquables de la pierre
calcaire dont notre capitale est construite, dans le tissu plus ou
moins serré desquels la patience et la sagacité deS savans de France,
et de plusieurs ardens collecteurs, ont déjà recueilli plus de huit
cents espèces de coquilles toutes de mer, mais la plupart inconnues
dans les mers d’aujourd’hui. Ils ne contiennent aussi
que des ossemens de poissons , de cétacés et d autres mammifères
marins.
Sous ce calcaire marin est encore un terrain d eau douce, formé
d’argile, dans lequel s’interposent de grandes couches de lignite ou
de ce charbon de terre d’une origine plus recente que la houille.
Parmi des coquilles constamment d’eau douce , il s y voit aussi des
os; mais, chose remarquable, des os de reptiles et non pas de mammifères.
Des crocodiles, des tortues le remplissent, et les genres de
mammifères perdus que recèle le gypse ne s’y voient pas. Us
n’existaient pas encore dans la contrée quand ces argiles et ces
lignite's s’y formaient.
Ce terrain d’eâu douce, le plus ancien que 1 on ait reconnu avec
certitude dans nos environs, et qui porte tous les terrains que nous
venons de dénombrer, est porté et embrassé lui-même de toute
part par la craie, formation immense par son épaisseur et par son
étendue, qui se montre dans des pays fort éloignés, tels' que la Poméranie,
la Pologne; mais q u i , d a n s nos environs, règne avec une
sorte de continuité en Berri, en Champagne, en Picardie, dans la
Haute-Normandie et dans une partie de l’Angleterre, et forme ains
un grand cercle ou plutôt un grand bassin dans lequel les terrain
dont nous venons de parler sont contenus, mais dont ils recou
vient aussi les bords dans les endroits où ils étaient moins élevés.
En effet, ce n’est pas seulement dans notre bassin que ces sort
de terrains se déposaient. Dans les autres contrées où la surface de
la craie leur offrait des cavités semblables; dans ceux même où il
n y avait point de craie, et où les terrains plus anciens s’offraient
seuls pour appui, les circonstances amenèrent souvent des dépôts
plus ou moins semblables aux nôtres, et recelant les mêmes corps
organisés.
Nos terrains à coquilles d’eau douce des deux étages ont été vus
en Angleterre, en Espagne, et jusqu’aux confins de la Pologne.
Les coquilles marines placées entre eux seront retrouvées tout
le long des Apennins.
Quelques-uns des quadrupèdes de nos plâtrières, nos palæothe-
riums, par exemple, ont aussi laissé de leurs os dans des terrains
gypseux du Velay, et dans les carrières de pierres dites molasses du
midi de la France.
Ainsi les révolutions partielles qui avaient lieu dans nos environs,
entre l’époque de la craie et Celle de la grande inondation, et pendant
lesquelles la mer se jetait sur nos cantons ou s’en retirait,
avaient lieu aussi dans une multitude d’autres contrées. C’était
pour le globe une longue suite de tourmentes et de variations,
probablement assez rapides, puisque les dépôts quelles ont laissés
ne montrent nulle part beaucoup d’épaisseur ou beaucoup de solidité.
La craie a été le produit d’une mer plus tranquille et moins
coupée ; elle ne contient que des produits marins parmi lesquels
il en est cependant quelques-uns d’animaux vertébrés bien remarquables,
mais, tous-de la classe des reptiles et des poissons; de
grandes tortues, d’immenses lézards et autres êtres semblables.
Les terrains antérieurs à la craie, et dans les creux desquels elle
est elle-même déposée-, comme les terrains de nos environs le sont
dans les siens, forment une grande partie de l’Allemagne et de
l’Angleterre; et les efforts qu’ont faits récemment les savans de ces
deux pays, d’accord avec les nôtres, et inspirés par les mêmes
données, s’unissant à ceux qu’avait précédemment tentés l’école de
Werner, ne laisseront bientôt rien à désirer pour leur connaissance.
MM. de Humboldt et de Bonnard pour la France et l’Allemagne,