28 DISCOURS SUR LES RÉVOLUTIONS
Que dire sur les causes de l’état actuel du globe, si l’on ne peut
répondre à ces questions, si l’on n’a pas encore de motifs suffisans
pour choisir entre l’affirmative ou la négative? Or il n’est que trop
vrai qu.e pendant long-temps aucun de ces points n’a été mis absolument
hors de doute, qu’à peine même semblaû>on avoir songé
qu’il fût bon de les éclaircir avant de faire un système.
Raison pour On trouvera la raison de cette singularité, si l’on réfléchit que les
laquellelescon-. géologistes ont tous été, ou des naturalistes de cabinet, qui avaient
dirions ont été . , * i 1
négligées. peu e x am m e P a r eux-memes la structure des montagnes; ou des
minéralogistes, qui n’avaient pas étudié avec- assez de détail les innombrables
variétés des animaux, et la complication infinie de leurs
diverses parties. Les premiers n’ont fait que des systèmes;- les derniers
ont donné d’excellentes observations; ils ont véritablement
posé les bases de la science : mais ils n’ont pu en achever l’édifice;
Progrès de la En effet, la partie purement minérale du grand problème de la
géologie mine'- théorie de la terre a été étudiée avec un soin admirable par de Saussure,
et portée depuis à un développement étonnant par Werner.,
et par les nombreux et savans élèves, qu’il a formés.
Le premier de ces hommes célèbres, parcourant péniblement pendant
vingt années les cantons les plus inaccessibles, attaquant en
quelque sorte les Alpes par toutes leurs faces, par tous leurs défilés,
nous a dévoilé tout le désordre des.terrains primitifs, et a tracé plus
nettement la limite qui les distingue des terrains secondaires.. Le
second, profitant des nombreuses excavations faites dans le pays qui
possède les plus anciennes mines, a fixé les lois de successions des
couches; il a montré leur ancienneté respective, et poursuivi chacune
d’elles dans toutes ses métamorphoses. C’est de lui, et de lui
seulement, que datera la géologie positive, en ce qui concerne la
nature minérale des couches; mais ni Werner ni de Saussure n’ont
donné à la détermination des espèces organisées fossiles , dans chaque
genre de couche, la rigueur devenue nécessaire, depuis que les
animaux connus s’élèvent à un nombre si prodigieux.
DE L A SURFACE DU GLOBE. ~ 29
D’autres savans étudiaient, à la vérité, les débris fossiles des corps
organisés; ils en recueillaient et en faisaient représenter par milliers ;
leurs ouvrages seront des collections- précieuses de matériaux ; mais,
plus, occupés des animaux ou des plantes,. considérés comme tels,
que de la théorie de la terre, ou regardant ces pétrifications ou ces
fossiles comme des curiosités,,, plutôt que comme des doGumens historiques;
ou bien enfin , se contentant d’explications partielles sur. le
gisement dé chaque morceau, ils ont presque toujours négligé de rechercher
les lois générales de position ou de rapport des fossiles avec
les couches.
Cependant-l’idée de cette recherche était bien naturelle. Comment importances
ne voyait-on pas que c’est aux fo s s ile s seuls qu’est due la naissance de mh fossllcs en J * -*■ -*• . . ■ géologie.
la théorie de la terre ; que, sans eux, l’on n’aurait peut-etre jamais
songé qu’il y ait eu dans la formation du globe des époques successives,
et une série d’opérations differentes? Eux seuls, en^effet,
donnent la certitude que le globe n’a pas toujours eu la même enveloppe
, par la certitude où l’ôn est qu’ils ont dû vivre à la surface
avant d’être ainsi ensevelis dans la profondeur. Ce n’est que par analogie
que l’on a étendu aux terrains primitifs la conclusion que les fossiles
fournissent directement pour les terrains secondaires-; et, s’il n’y
avait que des terrains sans fossiles, personne ne pourrait soutenir que
ces terrains n’ont pas été formés tous ensemble.
C’est encore par les fossiles, toute légère qu’est restée leur connaissance,
que nous avons reconnu le peu que nous savons sur la
nature des révolutions du globe. Us nous ont appris que les couches
qui les recèlent ont été déposées paisiblement dans un liquide; que
leurs variations ont correspondu à celles du liquide; que leur mise
à nu a été oecasionée par le transport de ce liquide ; que cette mise
à nu a eu lieu plus d’une fois : rien de tout cela ne serait certain
sans les fossiles.
L’étude de la partie minérale de la géologie, qui n’est pas moins-
nécessaire, qui même est pour les arts pratiques d’une utilité beau