réellement transformé lorsqu’il voulut parcourir la terre et enseigner
aux hommes les sciences et les arts.
Aucun autre animal n’aurait dû être aussi facile à reconnaître que
celui-là; car il n’en est aucun autre dont les anciens nous aient laissé
à la fois, comme de l’ibis, d’excellentes descriptions, des figures
exactes et même coloriées, et le corps lui-même soigneusement
conservé avec ses plumes, sous la triple enveloppe d’un bitume
préservateur , de linges épais et bien serrés, et de vases solides et
bien mastiqués.
Et cependant,de tous les auteursmodernesquiont parlé de l’ibis,
il n’y a que le seul Bruce, ce voyageur plus célèbre par son courage
que par la justesse de ses notions en histoire naturelle, qui né se
soit pas mépris sur la véritable espèce de cet oiseau, et ses idées à
cet égard, quelque exactes quelles fussent, n’ont pas même été
adoptées par les naturalistes (i).
Après plusieurs changemens d’opinion touchant l’ibis, on paraissait
s’accorder, au moment où j’ai publié la première édition de cet
ouvrage , à donner le nom d’ibis à un oiseau originaire d’Afrique,
à peu près de la taille de la cigogne, au plumage blanc, avec les
pennes des ailes noires, perché sur de longues jambes rouges, armé
d’un bec long, arqué, tranchant par ses bords, arrondi à sa base,
échancré à sa pointe, d’un jaune pâle, et dont la face est revetue
d’une peau rouge et sans plumes, qui ne s’étend pas au-delà des
yeux. .
Tel est l’ibis de Perrault (a), l’ibisblanc de Brisson (3) , l’ibis blanc 1
(1) Bruce, traduction française, in-8° ., tome xiu, page 264, et atlas, planche xxxv , sous
le nom d’abouhannès.
(2) Description d’un ibis blanc et de deux cigognes. Acàdémie des sciences de Paris', tome
n i, planche ni, pag. 61 de l’éditionin-4°. de 1734, planchexui, figure 1. Le bec est représenté
tronqué par le bout; mais c’est une faute du dessinateur.
(3) Numenius sordide albo rufescens, capite anteriore nudo rubro; lateribus rubro pur-
pureo et carneo colore maculatis , remigibus majoribus nigris , rectricibus sordide albo ru—
fescentibus, rostro in exortu dilute luteo, in extremitate aurantio, pedibùs griseis..... Ibis
candida. Brisson, Ornithologie, tome v, page. 349.
d’Egypte de Buffon (]_},. et le tantalus ibis de Linné, dans sa douzième
édition.
C’était encore à ce même oiseau que M. Blumenbaeh, tout en
avouant qu’il est aujourd’hui très-rare, au moins dans la Basse-
Egypte, assurait que les Égyptiens avaient rendu les honneurs
divins (2); et cependant M. Blumenbaeh avait eu occasion d’examiner
des ossemens de véritable ibis dans une momie qu’il ouvrit
à Londres (3Ï'> . ;
J avais partage 1 erreur des hommes célèbres‘que je viens de
nommer jusqu’au moment où je pus examiner par moi-même quelques
momies d’ibis.
Ce plaisir me fut procuré, pour la première fois, par feu
M. Fourcroy, auquel JVI. Grobert, colonel d’artillerie, revenant
d Egypte, avait donné deux de ces momies, tirées l’une et l’autre des
puits de Saccara. En les développant avec soin, nous aperçûmes que
les os de l’oiseau embaumé étaient bien plus petits que ceux du
tantalus ibis des naturalistes; qu’ils ne surpassaient pas beaucoup
ceux du courlis; que son bec ressemblait à celui de ce dernier,
a la longueur près qui est un peu moindre, à proportion de la grosseur,
et point du tout a celui du tantalus; enfin, que son plumage
était blanc, avecles pennes des ailes marquées de noir, comme l’ont
dit les anciens.
Nous nous convainquîmes donc que 1 oiseau que les anciens
Egyptiens embaumaient n’était point du tout le tantalus ibis des
naturalistes; quil était plus petit, et qu’il fallait le chercher dans le
genre des courlis.
Nous vîmes, apres quelques recherches, que les momies d ibis,
ouvertes avant nous par differens naturalistes, étaient semblables
. (t) Planches enluminées, numéro 38g, Histoire des Oiseaux , tome vm, in-4° . , page 14 ,
planche i. Cette dernière figure est une copie d’e celle de Perrault, avec la même faute.
(äj Handbuch der Naturgeschichte , page-aoS de l’édition de 1799; mais dans l’édition de
1807 il a rendu le nom d’ibis à l’oiseau auquel il appartient.
(3) Transactions philosophiques pour 1794.