J 0 0 DISCOURS SUR LES RÉVOLUTIONS
relief d’Aby dos, et son accord soit avec la partie des listes deMa-
néthon qui paraît lui ’correspondre, soit avec les autres inscriptions
hiéroglyphiques-, il en résulterait déjà cette conséquence que la prétendue
dix-huitième dynastie, la première sur laquelle lés anciens
chronologistes commencent à s’accorder un peu, est'unissi la première
qui ait laissé sur les monumens des traces de son existence.
Manéthon a pu consulter ce document et d’autres semblables ; mais
il n’en est pas moins Sensible qu’une liste, une série de noms ou de
portraits comme il y en a partout, est loin d’être une histoire.
Ce qui est prouvé et connu pour les Indiens, ce que je viens de
rendre si vraisemblable pour les habitans de la vallée du Nil, ne
doit-on pas le présumer aussi pour ceux des vallées de l’Euphrate et du
Tigre ? Etablis, comme les Indiens (i), comme les Egyptiens,^ur
une-grande route du commerce, dans de vastes plaines qu’ils avaient
été obligés de couper de nombreux canaux,-instruits comme eux
par des prêtres héréditaires, dépositaires prétendus de livres secrets,
possesseurs privilégiés des sciences, astrologues, constructeurs de
pyramides et d’autres grands monumens (a), ne devaiënt-ils pas leur
ressembler aussi sur d’autres points essentiels? leur histoire ne devait
elle pas également se réduire à des légendes? J’ose presque
dire, non seulement que cela est probable, mais que cela est démontré
par le fait.
Ni Moïse ni Homère ne nous parlent encore d’un grand Empire
dans la Haute-Asie. Hérodote (3) n’attribue à la suprématie des Assyriens
(pus cinq cent vingt ans de durée, et n’en fait remonter l’origine
qu’ environ huit siècles avant lui. Après avoir été à Babylone, et en
avoir consulté-les prêtres, il n’én a pas même appris le nom de
Ninus,- comme roi des Assyriens, et n’en parle que-comme du père (i) *3
(i) Toute l’ancienne mythologie des Br amines se rapporte aux plaines où coule le Gange,
et c’est évidemment là qu’ils ont fait leurs premiers établissemens.
. (a) Les descriptions.des ànciens monumens chaldéens ressemblent beaucoup à ce que nous
voyons de ceux des Indiens et des Égyptiens.; mais ces monumens ne sont pas-conserves
de même, parce qu’ils n’étaient construits qu’en briques séchées au soleil. .
(3 ) Clio , cap. x c Y .'
d’Agron (i), premier roi Héraclide de Lydie.. Cependant il le fait
fils de Bélus, tant il y avait dès lors de confusion dans les souvenirs.
S’il parle de Sémiramis comme de l’une des reines qui ont laissé de
grands monumens à Babylone, il ne la place que sept générations
avant Cyrus.
Hellanicus, contemporain d’Hérodote, loin de laisser rien construire
à Babylone par Sémiramis, attribue la fondation de cette ville
à Chaldæus, quatorzième successeur de Ninus (2).
Bérose, Babylonien et prêtre, qui écrivait à peine cent vingt ans
après Hérodote , donne à Babylone .une antiquité effrayante ; mais
C?est à Nabuchodonosor, prince relativement très-moderne, qu’il
en attribue les monumens principaux (3).
Touchant Cyrus lui-même, êe prince si remarquable, et dont
l’histoire aurait dû être si connue, si populaire, Hérodote, qui ne
vivait que cent ans après lui, avoue qu’il existait déjà trois sentimens
différens; et en effet, soixante ans plus tard Xénophon nous donne
de ce prince une biographie toute opposée à celle d’Hérodote.
Ctésias, à peu près contemporain de Xénophon, prétend avoir
tiré des archives royales des Mèdes une chronologie qui recule de
plus de huit cents ans l’origine de la monarchie assyrienne, tout en
laissant à la tête de ses rois ce même Ninus, fijs de Bélus, dont
Hérodoteavait fait un Héraclide; etenmêmetempsilattribueàNinus
etàSémiramis des conquêtes Vers l’occident d’une étendue absolument
incompatible avec l’histoire juive et égyptienne de-ce temps-ïà (4).
Selon Mégasthènes, c’est Nabuchodonosor qui a fait ces "conquêtes
incroyables. Il les a poussées par la Lybie jusqu’en Espagne (5). On
voit que, du temps d’Alexandre, Nabuchodonosor avait tout-à-fait
usurpé la réputation que Sémiramis avait eue du temps d’Artaxerxès.
Maison pensera sans doute que Sémiramis, que Nabuchodonosor 1
(1) Clip, cap. vu.
(2) Etienne de Byzance au mot Chaldæi.
(3) Josèphe ( contre Appion) , lib. i , cap. xix.
(4) Diôd. S ic ., lib. n,
(5) Josèphe (contre Appion), lib. i , cap», vi; et Strabon, lib. x v , page 687.