De cette coïncidence effective, à cette époque reculée, M. Fou-
rier, qui a constaté tous ces rapports par un grand travail et par de
nouveaux calculs, conclut que puisque la longueur de l’année de
Sirius était si parfaitement connue des Egyptiens, il fallait qu’ils
l’eussent déterminée Sur des observations faites pendant long-temps
et avec beaucoup d’exactitude, observations qui remontaient au
moins à deux mille cinq cents ans avant notre ère y et qui n’auraient
pu se faire ni beaucoup avant, ni beaucoup après cet intervalle de
temps (i):.
Certainement ce résultat serait très-frappant si c’était directement
et par des observations faites sur Sirius lui même qu’ils eussent fixé
la longueur de l’année de-Sirius; mais des astronomes expérimentés
affirment qu’il est impossible que le lever héliaque d’une étoile ait
pu servir de base à des observations-exactes sur un pareil sujet, surtout
dans un climat où le tour de [horizon <est toujours tellement
chargé de vapeurs, que dans les belles nuits on ne voit, jam a is
d'étoiles à quelques degrés au-dessus de l ’horizon, dans les seconde
et troisième grandeurs, et que le soleil même | à son lever
et à son coucher, se trouve entièrement déforméi (2). Ils soutiennent
que si la longueur de l'année n’eùt pas été reconnue*autrement,
on auraitpus’y tromper d’un et de deux jours (3). Ils ne doutent donc
pas que cette durée de trois cent soixante-cinq jours un quart ne
soit celle de l’année tropique, mal déterminée par l’observation de
l'ombre ou par celle du point où le soleil se levait chaque jour y et
id e n t i f ié e par ignorance avecl’année héliaque de Sirius; en sorte que * 1
ma, tome iv , page 37). Mais pour l’année julienne i 5g8 de Jésus-Christ, qui est aussi la
dernière d’une grande année, le pèrePetau et M. Ideler diffèrent beaucoup entre eux. Celui-
ci met le lever héliaque dé Sirius au 22 juillet; le premier Je place au 19 ou au 20 d’août.
(1) Voyez, dans le grand ouvrage sur l’Égypte , Antiquités , Mémoires, tome 1 , page 8o3r
l’ingénieux Mémoire deTVI. Fourier, intitulé Recherches sur les sciences et le gouvernement
de l’Égypte.
(2) Ce sont les expressions de feu Nouet, astronome de l’expeditioii d’Égypte. Voy. Volney r
Recherches nouvelles sur l’histoire ancienne , tome ni.
(3) Del ambre. Abrégé d’Astronomie, page 217; et dans sa note sur les paranatellon»,
Histoire de l’Astronomie du moyen âge, page lij.
ce serait un pur hasard qui aurait fixé avec tant de justesse la durée
de celle-ci pour l’époque dont il est question (i).
Peut-être jugera-t-on aussi que des hommes capables d’observations
si exactes, et qui les auraient continuées pendant si long-temps,
n auraient pas donné à Sirius assez d’importance pour lui vouer un
culte ; car ils auraient vu que les rapports de son lever avec l’année
tropique et avec la crue du Nil n’étaient que temporaires, et n’avaient
lieu qu’à une- latitude déterminée. En effet, selon les calculs
de M. Ideler, en 2782 avant Jésus-Christ, Sirius se montra dans la
Haute-Egypte le dèuxième jour après le solstice ; en 1822, le treizième;
et en i 3q de Jésus-Christ, le vingt-sixième (2). Aujourd’hui
il ne se lève héliaquement que plus d’un mois après le solstice. Les
Egyptiens se seraient donc attachés de préférence à trouver l’époque
qui ramènerait la coïncidence du commencement de leur année
sacrée avec celui de la véritable année tropique ; et alors ils auraient
reconnoque leur grande période devait être de mille cinq cent huit
années sacrées, et non pas de mille quatre cent soixante-une (3).
Or on ne trouve certainement aucune trace de cette période de
mille cinq cent huit ans dans l’antiquité.
En général ypeut-on se défendre de l’idée que si les Égyptiens
avaient eu de si longues suites d’obsêrvations, et d’observations
exactes,-leur disciple Eudoxe, qui-étudia treize ans parmi eux, aurait
porté en Grèce une astronomie plus- parfaite, des cartes du ciel
moins grossières , plus-Cohérentes dans leurs diverses parties (4)?
Gomment la procession n’aurait-elle été connue aux Grecs que
par les ouvrages d’Hipparque, si elle eût été consignée dans les registres
des Egyptiens,et écrite en caractères si manifestes aux plafonds
de leurs temples? *2 3 4
{1) Delambre. Rapport sur le Mémoire de M. Paravey suir la sphère dans le tome ym des
nouvelles Annales des Voyages.
(2) Ideler, loc. c it., page 38.
(3) Voyez Laplace , Système du Monde , troisième édition, page’ f 7 ; et Annuaire de . 8.8.
(4) Voyez sur la grossièreté des déterminations de la sphère d’Endoxe, M. Delambre
dans le premier tome de son Histoire de-l’Astronomie ancienne, pages .20 ét smvantes.