avaient conquis l’Ethiopie et la Lybie, à peu près comme les Egyptiens
faisaient conquérir, par Sésostris ou par Osymandias, l’Inde, et
la Bactriane.
Que serait-ce si nous examinions maintenant les différens rapports
sur Sardanapale, dans lesquels un savant célèbre a cru trouver
des preuves de l’existence de trois princes de ce nom, tous trois
victimes de malheurs semblables, (f); à peu près comme un autre
savant trouve.aux Indes au moinstrois Vicramaditjia, également
tous les trois héros d’aventures pareilles ?
C’est apparemment d’après le peu de concordance de toutes ces
relations que Strabon a cru pouvoir dire- que l’autorité d’Hérodote
et de Ctésias n’égale pas celle d’Hésiode ou d’Homère (a). Aussi
Ctésias n’a-t-il guère été plus heureux en copistes, que Manéthon;
et il est bien difficile aujourd’hui d’accorder les extraits que nous en
ont donnés Diodore, Eusèbe et le Syncelle.
Lorsqu’on se trouvait en de pareilles incertitudes dans le cinquième
siècle avant Jésus-Christ, comment veut-on que Bérose ait
pu les éclaircir dans le troisième; et peut-on ajouter plus de foi aux
quatre cent trente mille ans qu’il met avant le déluge, aux trente-
cinq mille ans qu’il place entre le déluge et Sémiramis, qu’aux registres
de cent cinquante mille ans qu’il se vante d’avoir consultés
(3)? !
On parle d’ouvrages élevés en des provinces éloignées, et qui
portaient le nom de Sémiramis; on prétend aussi avoir vu en Asie
mineure, en Thrace, des colonnes érigées par Sésostris (4) ; mais 1 2 3 4
(1) Voyez dans les Mémoires de l’Académie des .Belles-Lettres, tome v , le Mémoire de
Fréret sur l’histoire des Assyriens.
(2) Stràbon, lib. x i, page 507. '
(3) Syncelle. pages 38 et 3g. .
(4) 2V. B. 11 est très-Temarquable qu’Hérodote ne dit avoir vu de monumens de Sésostris
qu’en Palestine , et ne parle de ceux d’Ionie que sur le. rapport d’autrui, et en ajoutant que
Sésostris n’est pas nommé dans les inscriptions, et que ceux qui ont vu ces monumens. lés
attribuent à Memnon. Voyez Euterpe, chapitre cvi.
c’est ainsi qu’en Perse aujourd’hui, les anciens monumens, peut-
être même quelques-uns de ceux-là, portent le nom de Roustan;
qu’en Egypte ou en Arabie ils portent ceux de Joseph, de Salomon:
c’est une ancienne coutume des Orientaux , et probablement de
tous les peuples ignorans.. Nos. paysans appellent Camp de César
tous les anciens retranchemens romains.
En un mot, plus j’y pense, plus je me persuade qu’il n’y avait
point d’histoire ancienne àBabylone, à Ecbatane, plus qu’en Egypte
et aux Indes; et au lieu de porter comme Evhémère ou comme
Bannier la.mythologie dans l’histoire, je suis d’avis qu’il faudrait
reporter une grande partie de l’histoire dans la mythologie.
Ce n’est qu’à l’époque de ce qu’on appelle communément le second
royaume d’Assyrie que l’histoire des Assyriens et des Chal-
déens commence à devenir claire; à l’époque où celle des Egyptiens
devient claire aussi, lorsque les rois de Ninive, de Babylone et
d’Égypte commencent à s.e rencontrer et à se combattre sur le
théâtre de la Syrie et de la Palestine.
Il paraît néanmoins que les auteurs de ces contrées, ou ceux qui
en avaient consulté les traditions, et Bérose, et Hiéronyme, et
Nicolas de Damas, s’accordaient à parler d’un déluge; Bérose le
décrivait même avec des circonstances tellement'semblables à celles
de la Genèse, qu’il est presque impossible que ce qu’il en dit ne
soit pas tiré des mêmes sources; bien qu’il en recule l’époque d’un
grand nombre de siècles, autant du moins que l’on peut en jiïger
par les extraits embrouillés que Josèphe, Eusèbe et le Syncelle
nous ont conservés de ses écrits. Mais nous devons remarquer, et
c’est par cette observation que nous terminerons ce qui regarde les
Babyloniens, que ces siècles nombreux et cette grande suite de rois
placés entre le déluge et Sémiramis sont une chose nouvelle entièrement
propre à Bérose, et dont Ctésias et ceux qui l’ont suivi n’avaient
pas eu l’idée, et qui n’a même été adoptée par aucun des
auteurs profanes postérieurs à Bérose. Justin et Velléius considèrent
Ninus-comme le premier des conquérans, et ceux qui, contre toute