Anciens systèmes
des géologis
tes.
22 DISCOURS SUR LES RÉVOLUTIONS
Pendant long-temps ori n’admit que deux événemens, que deux
époques de mutations sur le globe : la création et kndéluge; et tout
les efforts des géologistes tendirent à expliquer l’état actuel, en imaginant
un certain état primitif, modifié ensuite par le déluge, dont
chacun imaginait aussi à sa manière les causes, l’action et les
effets.
Ainsi, selon l’un(i), la terre avait reçu d’abord une croûte égale
et légère qui recouvrait l’abîme des mers, et qui se creva pour produire
le déluge : ses débris formèrent les montagnes.<5Sêlon l’autre
(2), le déluge fut occasioné par une suspension momentanée de
la cohésion dans les minéraux : toute la masse du globe fut dissoute,
et la pâte en fut pénétrée par les coquilles. Selon un troisième (3),
Dieu souleva les montagnes pour faire édçtuler les eaux qui avaient
produit le déluge, et les prit dans les endroits où il y avait le plus de
pierres, parce qu’autrement"elles o’auraient pu se soutenir. Un qua--
trième (4) créa la terre avec l’atmosphère d’une comète-, et la fit
inonder par la queue d’une autre : la chaleur qui lui restait dè sa
première origine fut ce qui excita tous les être^Vivans au péché;
aussi furent-ils tous noyés, excepté les poissons', qui avaient apparemment
les passions moins vives.
On voit que, tout en se retranchant dans les, limites fixées par la
Genèse, les naturalistes se donnaient encore une carrièrefssez vaste:
ils se trouvèrent bientôt à l’étroit; et, quand ils eurènt réussi à faire
envisager les six jours de la création comm'ê autant de périodes indéfinies,
les siècles ne leur coûtant plus rien, leurs'systèmes prirent un
essor proportionné aux espaces dont ils purent disposer.
Le grand Leibnitz lui-même s’amusa à faire,, comme Descartes,
pas prétendu exprimer ma propre opinion, comme des géologistes estimables ont paru le
croire. Si quelque équivoque dans ma phrase a été la cause dé leur erreur, je leur en fais ici
mes excuses.
(1) Burnet. Telluris Theoria sacra. Lond. 1681.
(2) Woodward. Essay towards the natural history of the Earth. Lond. 1702t.
(3) Scheuchzer. Mém. de l’Acad. 1708.
(4) Whiston. A New Theory of the Earth. Lond. 1708.
de la terre un soleil éteint ( i) , un globe vitrifié, sur lequel les vapeurs,
étant retombées lors de son refroidissement, formèrent des
mers qui déposèrent ensuite les terrains calcaires.
DejuaiUet couvrit le globe entier d’eau pendant des milliers
d’années; il fit retirer les eaux graduellement; tous les animaux terrestres
avaient d’abord été marins,- l’homme lui-même avait commencé
par être poisson; et l’auteur assure qw’il n’êst pas rarè de
rencontrer dans l’Océan des poissons' qui ne sont encore devenus
hommes qu’à moitié, mais dont la race le deviendra tout-à-fait
quelque jour (arj).
Le système de Buffon n’est guère qu’un développement d& celui
de Leibnitz, avec l’addition seulement d’une comète qui a fait sortir .
du soleil,,par un choc violent, la niasse liquéfiée de la terre, en même
temps qire celle de.toutes les planètes; d’où il résulte des dates positives;:
car, par la température actuelle de la terre, on peut'savoir
depuis combien de temps elle se refroidit;'et, puisque les autres planètes
sont soVlies du soleil en même temps quelle, on peut calculer
combien les gfandes ont encore de siècles à refroidir, et jusqu’à quel
point les petites sont déjà glacées (3).
De nos jours, des esprits plus Ebggs que jamais ont aussij-voulu
^exercer sur ce grand sujet. Quelques écrivains ont reproduit et pro- plus
digieusement étendu- les idées de Demaillet : ils disent que tout fut
liquide dans l’origine; que le liquide engendra des animaux d’abord
très-simples > tels que les monades et autres espèces infusoires et microscopiques;
qûe, par suite des temps, et en-prenant des habitudes
diverses ,, les races animales se compliquèrent et se diversifièrent au
point où nous, les voyons aujourd’hui. Ce sont toutes'cës races d’animaux
qui ont converti par degrés l’eau de la mer en terre calcaire ; les
végétaux, sur l’origine et'les métamorphoses desquels on ne nous dit
Systèmes
nouveaux.
(1) Leibnitz. Protogea, Act. Lips. i 683 ; Gott. 1749-
(2) Telliamed. Amsterd. 1748.
(3) , Théorie de la terre, 1749 ; et Epoques de la nature, 177$.-