historiens antérieurs qu’il a pu consulter ne datent pas d’un siècle
avant lui (i).
On peut même juger de ce qu’ils étaient par les extravagances
qui nous restent, extraites d’Aristée de Proconnèse et de quelques
autres.
Avant eux on n’avait que des.poètes; et Homère, le plus ancien
que l’on possède, Homère, le maître et le modèle éternel de tout
l’Occident, n’a précédé notre âge que de deux mille sept cerits ou
deux mille huit cents ans.
Quand ces premiers historiens parlent des anciens événemens, soit
de leur nation, soit des nations voisines, ils ne citent que des traditions
orales et non des ouvrages publics. Ce n’est que long-temps
après eux que l’on a donné de prétendus extraits des annales égyptiennes,
phéniciennes et babyloniennes. Bérose n’écrivit que sous
le règne de SéleucusNicator, Hiéronyme que sous celui d’Antiochus
Soter, et Manéthon que sous le règne de Ptolomée Philadelphe. Us
sont tous les trois seulement du troisième siècle avant Jésus-Christ.
Que Sanchoniaton soit un auteur véritable ou supposé’, on ne le
connaissait point avant que Philon de Byblos en eût publié une traduction
sous Adrien, dans le second siècle après Jésus-Christ, et
quand on l’aurait connu, l’on n’y aurait trouvé pour les premiers
temps, comme dans tous les auteurs de cette espèce, qu’une théogonie
puérile, ou une métaphysique tellement déguisée sous des
allégories, qu’elle en est méconnaissable.
Un seul peuple nous a conservé des annales écrites en prose avant
l’époque de Cyrus; c’est le peuple Juif.
La.partie de l’ancien Testament, que l’on nomme le Pentateu-
que, existe sous sa forme actuelle au moins depuis le schisme de Jéroboam,
puisque les Samaritains la reçoivent comme les Juifs, c’est-
à-dire, qu’elle a maintenant, à coup sûr, plus de deux mille huit
cents ans.
(i) Cadmus, Phérécyde, Aristée de Procorinèse, Acusilaüs, Hécatée de Milet, Charon
de Lampsaque , etc. Voyez Vossius, de Histor. græc., lib. i , et surtout son quatrième livre.
Il n’y a nulle raison pour ne pas attribuer la rédaction de la
Genèse à Moïse lui-même, ce qui la ferait remonter à cinq cents
ans plus haut, à trente-trois siècles; et il suffit de la lire pour
s’apercevoir qu’elle a été composée en partie avec des morceaux
d’ouvrages antérieurs : on ne peut donc aucunement douter que ce
ne soit Eécrit le plus ancien dont notre Occident soit en possession.
Or cet ouvrage, et tous ceux qui ont été faits depuis, quelque
étrangers que leurs auteurs fussent et à Moïse et à son peuple, nous
présentent les nations des bords de la Méditerranée comme nouvelles;
ils nous les montrent encore demi-sauvages quelques siècles
auparavant; bien plus, ils nous parlent tous d’une catastrophe générale,
d’une irruption des eaux, qui occasiona une régénération
presque totale du genre humain, et ils n’ en font pas remonter l’époque
à un intervalle bien éloigné.
Les textes du Pentateuque qui allongent le plus cet intervalle ne
le placent pas à plus de vingt siècles avant Moïse, ni par conséquent
à plus de cinq mille quatre cents ans avant nous (i).
Les traditions poétiques des Grecs, sources de toute notre histoire
profane pour ces époques reculées, n’ont rien qui contredise les
annales des Juifs; au contraire, elles s’accordent admirablement
avec elles, par l’époque qu’elles assignent aux colons égyptiens et
phéniciens qui donnèrent à la Grèce les premiers germes de civilisation;
on y voit que vers le même siècle où la peuplade israélite
sortit d’Egypte pour porter en Palestine le dogme-sublime de l’unité
de Dieu, d’autres colons sortirent du même pays pour porter en
Grèce un,e religion plus grossière, au moins à l’extérieur, quelles que
fussent d’ailleurs les doctrines secrètes quelle réservait à ses initiés;
tandis que d’autres encore venaient de Phénicie et enseignaient aux
Grecsl’artd’écrire, et tout ce qui arapport à la navigation et au commerce
(2).
> (i) Les Septante à cinq mille trois cent quarante-cinq; le texte samaritain à quatre mille
huit cent soixante-neuf ; le texte hébreu a quatre mille cent soixante-qüàtorze.
(2) On sait que les chronologistes varient de plusieurs années sur chacun de ces evénemensj