Pour apprécier ce raisonnement, il est nécessaire que nous entrions
ici dans quelques explications»
Le solstice est le moment de l’année où commence là- crue dit
Nil, et celui que les Egyptiens ont du observer avec le plus d’attention.
S’étant fait dans l’origine sur de mauvaises observations une
année civile ou sacrée de trois cent soixante-cinq jours juste, ils
voulurent la conserver par des motifs superstitieux, même après
qu’ils se furent aperçus qu’elle ne s’accordait pas avec l’année naturelle
outropique, etne ramenait pas les saisons aux mêmes jours (i).
Cependant c’ était cette année tropique qu’il leur importait de marquer
pour se diriger dans.leurs opérations agricoles» Us durent donc
chercher dans le ciel un signe apparent de son retour, et ils imaginèrent
qu’ils trouveraient ce signe quand le soleil reviendrait à la
même»position, relativement à quelque étoile remarquable. Ainsi
ils s’appliquèrent, comme presque tous les peuples qui commencent
cette recherche, à observer les levers et les couchers héliaquçs des
astres. Nous savons qu’ils choisirent particulièrement le lever hélia-
que de Si ri us; d’abord, sans doute,- à cause de la beauté de l’étoile,
et surtout parce que daûs ces anciens temps ce lever de Sirius coïncidant
à peu près avec lé solstice, et annonçant l’inondation, était
pour eux le phénomène de ce genre le plus important. II arriva mèmè
de là que Sirius, sous le nom de Sothis, joua le plus grand rôle dans
toute leur mythologie et dans leurs rites religieux. Supposant donc
que le retour du lever héliaque de Sirius et l’année tropique étaient
de même durée, et croyant enfin reconnaître que cette durée était
de trois cent soixante-cinq jours et un quart, ils imaginèrent une
période après laquelle l’année tropique et l’ancienne année, l’année'
sacrée de trois cent soixante-cinq jours seulement, devaient revenir
au même jour; période qui, d’après ces données peu exactes , était
nécessairement de mille quatre cent soixante-une années sacrées et de
mille quatre cent soixante de ces années perfectionnées auxquelles
fis donnèrent le nom d’années de Sirius»
(i)'Geminus, contemporain de Cicéron, explique au long leurs motifs. Voyez l’édition
qu’en donné M. Halma à la suite du Ptolomée, page 43.
Ils prirent pour point de départ de cette période, qu’ils appelèrent
année sothiaque ou grande année? une année civile, dont le premier
jour -était «où avait été aussi celui d’un lever héliaque de Sirius; et
l’ônçsait, parile témoignage positif de' Censorin, qu’une de. ces
grandes années avait pris fin en cent trente-huit de Jésus-Christ (i)::
par conséquent elle avait commencé en mille trois cenf vingt-deux
avant Jésus-Christ, et celle qui l’avait précédée çn deux mille sept
cent quatre-vihgt-deux. En effet , par lest calculs de M. Ideler, on
reconnaît que Sirius s’est levé héliaquement le 20 juillet de l’année
julienne »cent trente-neuf, jour qui répondait cette année-là au premier
de Thot ou au premier jour de l’année sacrée égyptienne (2).
Mais non-seulement la position du soleil, par rapport aux étoiles
deTécliptique, ou l’année sidérale, n’est pas la même que l’année
tropique, à cause de la précession des équinoxes; l’année héliaque
d’une étoile, ou la période deson lever héliaque,’surtout lorsqu’elle
est-éloignée de l’écliptique, diffère encore de l’année sidérale, et en
diffère diversement selon les latitudes des lieux où on l’ observe. Ce
qui est assez, singulier cependant, êt ce que déjà Bainbridge (3) et
le père Petau(4) 'ont fait observer (5), il est arrivé, par un concours
remarquable dans les positions, que sous la latitude de la.Haute-
Egypte,'à.une certaine époque et pendant un certain nombre de
siècles; l’année de Sirius était réellement, à très-peu de chose près,
de; trois cent soixante-cinq jours et un quart; en sorte que le lever
heliaque fie cette étoile revint en effet au même jour de l’année julienne,
au 20 juillet, en i322 avant et en i 38 après Jésus-Christ (6). 1 *4 5 6
(1) Tout ce système est développé par Gènsorin : de Die natali', cap. xym et xxr.
(2} Ideler. Recherches historiques sur les observations astronomiqües des anciens, traduction'
de M. Halma ,.â la suite de son Canon de Ptolomée, pages 32 et suivantes.
■ (3) Bainbridge. Canicul.
(4) Petâu. Va'r. Diss., lib. v , cap. vi , page io8\
(5) Voyez aussi La Nauze, sur Tannée égyptienne, Académie des Belles-Lettres , tome xiv,
page 346 ; et le mémoire de M. Fourier, dans le grand ouvrage sur l’JÉgyple, Mém., t. i ,
page8o3. ‘
(6) Petauy loc. cit. M. Ideler affirme que cette: rencontre du lever héliaque de Sirius eut
aussi lieu en 2782 avant Jésus-Christ ( Recherches-historiques dans le Ptolomée de M. Hal