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vraisemblance, le placent le plus haut, ne le font que de quarante
siècles, antérieur au temps présent (i).
Les auteurs arméniens du moyen âge s’accordent à peu près avec
quelqu’un des textes de la Genèse, lorsqu’ils font remonter le déluge
à quatre mille neuf cent seize ans;; et l’on pourrait croire
qu’ayant recueilli les vieilles! traditions, et peut-être extrait les
vieilles chroniques de leur pays, ils forment une autorité de plus
en faveur de la nouveauté des peuples-; mais quand on réfléchit que
leur littérature historique ne date que du cinquième siècle, et qu ils
ont eonnu Eusèbe, on comprend qu’ils ont dû s’accommoder à sa
chronologie et à celle de la Bible. Moïse de Chorène fait profession
expresse d’avoir suivi les Grecs, et l’on voit que son histoire ancienne
est calquée sur Ctésias (a).
Cependant il est certain que la tradition du déluge existait en
Arménie bien avant là conversion deshabitans au christianisme; et
la ville qui, selon Josèphe, était appelée le. Lieu de la Descente ,
existe encore au pied du mont Ararat, et porte le nom de Nachid-
cheaan, qui a en effet ce sens-la (3).
Nous en dirons des Arabes, des Persans, des Turcs, .des Mongoles,
des Abyssins d’aujourd’hui, autant que des Arméniens. Leurs
anciens livres, s’ils en ont eu, n’existent plus; ils n’ont d’ancienne
histoire que celle qu’ils se sont faite récemment, et qu’ils ont modelée
sur la Bible : ainsi ce qu’ils disent du déluge est emprunté de la
Genèse, et n’ajoute rien à l’autorité de ce livre.
11 était curieux de rechercher quelle était sur ce sujet l’opinion
des anciens Perses, avant quelle eût été modifiée parles croyances
chrétienne et mahométane. On la trouve consignée dans leur Bounde-
hesh, ou Cosmogonie, ouvrage du temps des Sassanides, mais évidemment
extrait ou traduit d’ouvrages plus anciens, et qu’Anquetil du
Perron a retrouvé chez les Parsis de l’Inde. La duree totale du
(1) 'Justin, lib. i; Velleius Paterculus, lib. i , cap. Vu.
(2) Voyez Mosis Choreuensis, Histor. armeniac., lib. i , cap. i.
(3) Voyez la preface des frères Whiston sur Moïse de Chorène, page 4-
monde ne doit'être que de . douze mille ans : ainsi - il ne peut être
encore bien ancien. L ’apparition du Cayouniortz (l’homme taureau,
le premier homme ) est précédée de la création d’une grande eau ( i ).
Du reste il serait aussi inutile de demander aux Parsis une,histoire
sérieuse pour les temps*anciens qu’aux autres Orientaux; les
Mages n’en ont pas plus laissé que lesdlrames ou les Chaldéens. Je
n’en voudrais pour preuve que les incertitudes sur l’époque de
Zoroastre. Ou prétend même que le peu d’histoire qu’ils pouvaient
avoir, ce qui regardait les Achéménides, les successeurs de Cyrus
jusqu’à Alexandre, a été altéré exprès,- et d’après un ordre officiel
d’un monarque Sassanide (2).
Pour retrouver des dates authentiques du commencement des
Empires, et des traces du grand cataclisme,-il faut donc aller jusqu’au
delà des grands déserts de la Tartarie. Vers l’orient et vers le
nord habite une autre race, dont toutes les institutions, tous les
procédés diffèrent autant des nôtres que sa figure et son tempérament.
Elle parle en monosyllabes ; elle écrit en hiéroglyphes arbitraires;
elle n’a qu’une morale politique sans religion, car les superstitions
de Fo lui sont venues des Indiens. Son teint jaune, ses joues
saillantes, ses yeux étroits et obliques, sa barbe peu fournie la rendent
si differente de nous, qu’on est tenté de croire quë ses ancêtres
et les nôtres ont échappé à la grande catastrophe, par deux côtés
différeùs ;màis quoi qu’il en soit, ils datent leur déluge à peu près
de-la même époque que nous.
LeChoukingestleplus ancien des livresdes Chinois (3); on assure
qu’il fut rédigépar Confucius avec deslambeaux d’ouvragesantérieurs,
il y a environ deux mille deux cent cinquante-cinq ans. Deux cents ans
plus tard arriva; dit-on, la persécution des lettrés et la destruction des
livres sous l’empereur Chi-Hoangti, qui voulait détruire les traces du
gouvernement féodal établi sous la dynastie antérieure à la sienne. Qua-
(1) .Zendavesta d’Anquetil, tome n , page 354»
(2) Mazoudi, ap. Saçy, manuscrits de la Bibliothèque du R oi, tome vni,1 page 16t.
(3) Voyez la préface de l’édition du Chouking, donnée par M. de Guignes.