8 DISCOURS SUR LES RÉVOLUTIONS
leur état actuel; enfin, lorsque la mer a quitté nos continens pour la
dernière foisy ses habitans ne différaient pas beaucoup de ceux
qu’elle alimerfte encore aujourd’hui.
Nous disons, pour la dernière fo is , parce que, si Ion examine
avec encore plus de soin ces débris des êtres organiques, ou parvient
à découvrir au milieu des couches marines, même les plus anciennes,
des couches remplies de productions animales ou végétales de la
terre et de l’eau douce; e t, parmi les couches les plus récentes,
c’est-à-dire, les plus superficielles, il en est où des animaux
terrestres sont ensevelis sous des amas de productions de la
mer. Ainsi les diverses catastrophes qui ont remué les couches n’ont
pas seulement fait sortir par degrés du sein de l’onde les diverses
parties de nos continens et diminué le bassin des mers; mais ce
bassin s’est déplacé en plusieurs sens. 11 est arrivé plusieurs fois que
des terrains mis à sec ont été recouverts par les eaux, soit qu’ils
aient été abîmés, ou que les eaux aient été seulement portées au-
dessus d’eux; et pour ce qui regarde particulièrement le sol que la
mer a laissé libre dans sa dernière retraite, celui que l'homme et
les animaux terrestres habitent maintenant, il avait déjà été desséché
une fois, et avait nourri alors des quadrupèdes,, des oiseaux, des
plantes et des productions terrestres de tous les genres; la mer qui
l’a quitté l’avait donc auparavant envahi. Les changemens dans la
hauteur des eaux n’ont donc pas consiste seulement dans une retraite
plus ou moins graduelle, plus ou moins générale; il s’est fait diverses
irruptions et retraites successives, dont le résultat définitif a
été cependant une diminution universelle de niveau.
Preuves que Mais, cequ’il est aussi bien important de remarquer, ces irruptions,
ces révolutions ces retraites répétées n’ont point toutes été lentes, ne se sont point
ont été subites. toutes faites par degrés; au contraire, la plupart des catastrophes
qui les ont amenées ont été subites; et cela est surtout facile à
prouver pour la dernière de ces catastrophes; pour celle qui par un
double mouvement a inondé et ensuite remis à sec nos continens
actuels, ou du moins une grande partie du sol qui les forme aujourd’hui.
Elle a laissé encore, dans les pays du Nord, des cadavres
de grands quadrupèdes que la glace a saisis, et qui se sont
conservés jusqu’à nos jours avec leur peau, leur poil, et leur chair.
S’ils n’eussent été gelés aussitôt que tués, la putréfaction les aurait
décomposés. Et d’un autre côté, cette gelée éternelle n’occupait
pas auparavant les lieux où ils ont été saisis; car ils n’auraient pas
pu vivre sous une pareille température. C’est donc le même instant
qui a fait périr les animaux, et qui a rendu glacial le pays qu’ils
habitaient. Cet événement a été subit, instantané, sans aucune gradation,
et ce qui est si clairement démontré pour cette dernière catastrophe
ne l’est guère moins pour celles qui l’ont précédée. Les
déchiremens, les redressemens, lesrenversemens des couches plus
anciennes ne laissent pas-’ douter que des causes subites et violentes
ne les aient mises en l’état où nous les voyons; et même la force des
mouvemens qu’éprouva la masse des eaux est encore attestée par les
amas de débris et de cailloux roulés qui s’interposent en beaucoup
d’endroits entre les couches solides. La vie a donc souvent été troublée
sur cette terre par des événemens effroyables. Des êtres vivans
sans nombre ont été victimes de ces catastrophes; les uns habitans
de la terre sèche se sont vus engloutis par des. déluges ; les autres ,
qui peuplaient le sein des eaux, ont été mis à sec avec le fond des
mers subitement relevé; leurs races mêmes ont fini pour jamais, et
ne laissent dans le monde que quelques débris à peine reconnaissables
pour le naturaliste.
Telles sont les conséquences où conduisent nécessairement les
objets que .nous rencontrons à chaque pas, que nous pouvons vérifier
à chaque instant dans presque tous les pays. Ces grands et
terribles événemens sont clairement empreints partout pour l’oeil
qui sait en lire l’histoire dans leurs monumens.
Mais ce qui étonne davantage encore, et ce qui n’est pas moins
certain, c’est que la vie n’a pas toujours existé sur le globe, et qu’il
est faoile à l’observateur de reconnaître le point où elle a commencé
à déposer ses produits.
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