Î)ISC0UR8 SUR LES RÉVOLUTIONS
Ferrare; en meme temps seà atterrissemens ont avancé dans la mer
avec tant de rapidité, qu’en comparant d’anciennes cartes avec l’état
actuel, on voit que le rivage a gagné plus de six mille toises depuis
i6o4; ce qui fait cent cinquante ou cent quatre-vingts pieds, et
en quelques endroits deux cents.pieds par an. L’Adige et le Pô sont
aujourd hui plus eleves que tout le terrain qui leur est intermédiaire;
et ce n’est qu’en leur ouvrant de nouveaux lits dans les parties basses
qu ils ont déposées autrefois que l’on pourra prévenir les désastres
dont ils les menacent maintenant.
Les mêmes causes ont produit les mêmes effets le long des branches
du Rhin et de la Meuse; et c’est ainsi que les cantons les plus
riches de la Hollande ont continuellement le spectacle effrayant de
fleuves suspendus à vingt et trente pieds au dessus de leur sol.
M. Wiebeking, directeur des ponts et chaussées du royaume de
Bavière, a écrit un mémoire sur cette marche des choses, si importante
à bien connaître pour les peuples et pour les gouvernemens,
où il montre que cette propriété d’élever leur fond appartient plus
ou moins à tous les fleuves.
Les atterrissemens le long des côtes de la mer du Nord n’ont pas
une marche moins rapide qu’en Italie. On peut les suivre aisément en
Frise, et dans le pays de Groningue, où l’on connaît l’époque des premières
digues construites par le gouverneur espagnol Gaspar Roblès,
en i 5yo. Cent ans après l’on avait déjà gagné, en quelques endroits,
trois quarts de lieue de terrain en dehors de ces digues*;- et la ville
même de Groningue, bâtie en partie sur l’ancien sol, sur un calcaire
qui n appartient point à la mer actuelle, et où l’on trouve les mêmes
coquilles que dans notre calcaire grossier des environs de Paris, la
ville de Groningue n’est qu’à six lieues de la mer. Ayant été sur les
lieux, je puis confirmer, par mon propre témoignage, des faits d’ailleurs
très-connus, et dont M. Deluc a déjà fort bien exposé la plus
grande partie (i). On pourrait observer le même phénomène, et
(1) Dans différens endroits des deux derniers volumes de ses Lettres à la reine d’Angleterre.
DE LA SURFACE DU GLOBE.
avec la même précision, tout le long des côtes de l’Ost-Frise, du pays
de Brême et du Holstein, parce que l’on connaît les époques où les
nouveaux terrains furent enceints pour la première fois, et que l’on
peut y mesurer ce que l’on a gagné depuis.
Cette lisière, d’une admirable fertilité; formée par les fleuves et
par la mer, est pour ces pays un don d’autant plus précieux, que
1 ancien sol, couvert de bruyères ou de tourbières, se refuse presque
partout à la culture ; les alluvions seules fournissent à la subsistance des
villes peuplées construites tout le long de cette côte depuis le moyen
âge, et qui ne seraient peut-être pas arrivées à ce degré de splendeur
sans les riches terrrains que les fleuves leur avaient préparés, et qu’ils
augmentent continuellement.
Si la grandeur qu’Hérodote attribue à la mer d’Azof, qu’il fait
presque égale à l’Euxin (1), était exprimée en termes moins vagues,
et si l’on savait bien ce qu’il a entendu par le Gerrhus (2), nous y
trouverions encore de fortes preuves des changemens produits par les
fleuves, et de leur rapidité; caries alluvions des rivières auraient pu
seules (3), depuis cette époque, c’ëst-à-dire depuis deux mille deux
ou trois cents ans, réduire la mer d’Azof comme elle l’est, fermer le
cours de ce Gerrhus, ou de cette branche du Dniéper qui se serait
jetée dans l’Hypacyris, et avec lui dans le golfe Carcinites ou
d’Olu-Degnitz, et réduire à peu près à rien l’Hypacyris lui-même (4). *3
(|) JYIelpom., lxxxvi.
(a) Ibid. , lvi.
(3) On a aussi voulu attribuer cette diminution supposée de la mer Noire et de la mer
d Azof à la rupture du Bosphore qui serait arrivée à l’époq.ue prétendue du’déluge de Deu-
calion ; et cependant, pour établir le fait lui-même, on s’appuie des diminutions successives
de l’étendue attribuée à ces mers dans Hérodote, dans Strabon, etc. Mais il est trop évident
que si cette diminution était venue de la rupture du Bosphore , elle aurait dû être complète
long-temps avant Hérodote, et dès l’époque même où l’on place Deucalion.
C4) 'Voyez la Géographie d’Hérodote de M. Rennel, p. 56 et suivantes, et une partie de
l’ouvrage de M. Dureau de Lamalle, intitulé Géographie physique de la mer Noire, etc.
Il n’y a aujourd’hui que la très-petite rivière de Kamennoipost qui puisse représenter le
Gerrhus et l’Hypacyris tels qu’ils sont décrits par Hérodote.
N. D. M. Dureau, page 170, attribue à Hérodote d’avoir fait déboucher le Borysthène