trant en petit nombre et de distante en distance, parmi les dernières
couches de ces terrains primitifs ou dans cette portion de l'écorce du
globe que les -géologistes ont nommée les terrains.de transition. On y
rencontre par-ci par-là des couches coquillières. interposées entre
quelques granits plus récens que .les autres, parmi divers schistes
et entre quelques derniers lits de marbres salins; la vie qui voulait
s’emparer de ce globe,.semble dans ces* premiers temps avoir lutté
avec la nature inerte qui dominait auparavant y ce n’est qu’après un
temps .assez long qu’elle a pris entièrement le dessus, qu’à elle
seule a appartenu le droit de continuer et d’élever l’enveloppe solide
de la terre.
Ainsi on ne peut le nier : les masses qui forment aujourd’hui nos
plus hautes montagnes ont été primitivement dans un état liquide ;
long-temps elles ont.été recouvertes par des eaux qui n’alimentaient
point de corps vivans; ce n’est pas seulement après l’apparition de
la vie qu’il s’est fait des changemens dans la nature des matières
qui.se déposaient :.les masses, formées auparavant, ont varié, aussi-
bien que celles qui se sontformées depuis; elles ont éprouvé de même
des changemens violens dans leur position, et une partie de ces
changemens avait eu lieu dès le temps où ces niasses-jriexistaient
seules, et n’étaient point recouvertes par les .masses coquillières :
on en a la preuve par les r,enversemens,.par les déchiremens, par
les fissures qui s’observent dans leurs couches, aussi bien que dans
celles des terrains postérieurs, qui même y sont en plus grand
nombre, et plus marqués:-
Mais ces massesprimitives ont encore éprouvé d’autres révolutions
depuis la formation des terrains secondaires, etontp.eut-êtve occasioné
ou du moins partagé quelques-unes de celles que ces terrains eux-
mêmes ont éprouvées. Il y a en effet des portions considérables de
terrains primitifs à nu, quoique dans une situation plus basse que
beaucoup de terrains secondaires;..comment ceux-ci.ne les auraient-
ils pas recouvertes, si elles ne se fussent montrées depuis qu’ils se
sont formés? On trouve des blocs nombreux et volumineux de
substances primitives, répandus en certains pays à la surface de
terrains secondaires, séparés par des vallées profondes ou même
par des bras de mer, des pics ou des crêtes d’où ces blocs peuvent
être venus : il faut ou que des éruptions les y aient lancés, ou que
les profondeurs qui eussent arrêté leur cogrs n’existassent pas à
l’époque de leur transport, ou bien enfin qpe les mouvemens des
eaux qui les ont transportés passassent en violence tout ce que nous
pouvons imaginer aujourd’hui' (i).
Yoilà donc'ùn ensemble de faits, une suite d’époques antérieures
au temps présent, dont la succession peut se vérifier sans incertitude,
quoique la durée de leurs intervalles ne puisse se définir avec pré-
(i-) Les Voyages de Saussure et de Deluc présentent une foule de .ces.sortes de faits ; et ce
sont ces géologistes qui ont jugé qu’ils ne pouvaient guère avoir été produits que par d énormes
éruptions. MM. de B uct etEscher s’en sont' occupés plus récemment. Le Mémoire de ce
dernier, inséré dans la Nouvelle Alpina de Stein-Müller, tome Ier., en présente surtout
l’ensemble-d’une manière remarquable , dont yoici à peu près le résumé : ceux de ces blocs
qui sont épars dans les parties basses de la Suisse ou de la Lombardie viennent des Alpes,
et sont descendus le long de leurs vallées. Il y en a partout, et de toute grandeur, jusqu’à
celle de cinquante mille pieds cubes, dans la grande étendue- qui sépare les Alpes du
Jura ,.et il s’eu élève sur les pentesdu Jura qui regardent.les Alpes jusqu’à des hauteurs de
quatre mille pieds au-dessus du niveau de la mer ; ils sont à là surface ou dans les couchés
superficielles de déb.ris, mais non' dans celles de-grès, de molasses ou de poudingues qui
remplissent presque partout l’intervalle en question: : on ‘les trouve tàntot/isolés, tantôt en
amas: la.hauteur de leur situation. e9t. indépendante de leur grosseur les petits seulement
paraissent quelquefois un peu usés : les grands ne le-sont point du tout. Ceux qui appar-^
tiennent au bassin de chaque rivière se sont trouvés, à l’examen, de la même nature que
les montagnes des sommets ou des flancs des hautes vallées d’où naissent les afïluens de cette
rivière : omen voit déjà dans ces vallées, et ils y sont surtout accumulés aux endroits qui
précèdent quelques rélrécissemens : il en a passé par dessus les cols lorsqu’ils n’avaient pas
plus de quatre mille pieds-; et alors on en voit’ sur les revers des crêtes dans les cantons
d’enlre lés Alpes et le Jura , et sur le Jura même : c’est vis-à-vis-lès débouchés des vallées
des Alpes que l’on en voit le.plus et de plus élevés,; ceux des. intervalles se sont portes moins
haut :.dans les chaînes du Jura, plus éloignées des Alpes, il ne- s’en trouve qu’aux endroits
placés vis-à-vis des ouvertures des chaînes plus rapprochées.
De ces faits, l’auteur tire cette conclusion, que le transport dè ces blocs a eu lieu depuis
que les grès et les poudingues ont été déposés; qu’il a 'été occasioné peut-être par la dernière
des révolutions du globe. Il compare ce transport à ce qui a encore lieu de la part des tor-
rens ; mais,l’objection de la grandeur des: blocs et celle des vallees profondes par-dessus lesquelles
ils ont dû passer., nous paraissent conserver une.grande force contre cette partie de
son hypothèseï