I 12 DISCOURS SUR LES RÉVOLUTIONS
Comment enfin Ptolomée, qui écrivait en Egypte, n'aurait-il daigné
se servir d’aucune des observations des Egyptiens (r.)?
Il y a plus, c’ë,st qu’Hérodote, jîqui a tant véCu avec eux , ne
parle nullement de ces six heures: qu’ils ujoutaientiàl’annee sacrée,
ni de cette grande période sothiaquè qui en résultait;'-il dit au contraire
positivement que, le$ Egyptiens faisant leur année de trois
cent soixante-cinq jours, les saisons reviennent au même point, en
sorte que de son tenips’ orÇ ne paraît pas encore s’être douté, de la
nécessité de eê quart de jour (2). Thaïes, qui avait visité les prêtrës
d’Egypte moins d’un siècle avant Hérodote, ne fit aussi connaître à
ses compatriotes qu’une année de trois cent soixante-cinq "jours
seulement (3); et si l’on réfléchit que les colonies sorties^ de l’Egypte
quatorze ou quinze cents ans avant Jésus-Christ, les Juifs ,
les Athéniens, en ont toutes apporté l’année lunaire; on jugera peut-
être que l’année de trois cent soixante-cinq jours elle-même n’existait
pas encore en Egypte dans ces siècles reculés.
Je n’ignore pas que Macrobè :(4jsattribue aux Egyptiens une
année solaire de trois cent soixante-cinq jours un quart; mais cet
auteur récent comparativement, et venu longtemps après rétablissement
de l’année fixe d’Alexandrie ji'à pu confondre les époques.
Diodore (5) 'et Strabon (6) fie donnent une telle année qu’aux Thé-
bains : ils ne disent pas qu’élle fût d’un usfâge général, et éux-mêmes
ne sont venus que long-temps après Hérodote.
Ainsi l’année sothiaquè, la grande année, a dû être une" invention
assez récente, puisqu elle resuite de la comparaison de 1 annee civile
avec cette prétendue année héliaque de Sirius}. et 6’est pourquoi il
11’en est parlé que dans des ouvrages du second et du troisième
— Voyez le discours préliminaire de l’Histoire de l’Astronomie du moyen âge, par
M. Delambre, pages vîij et suivantes.
(2) Euterpe, chapitre iv:
(3) Diog. Laert., lib. i , in Thalet.
(4) Saturnal, lib. 1 , cap., xv.
(5) Bibl., lib. i , pag. mea 46. .
' - (6) Gepgr., page 102.
siècle après Jésus-Christ ( i) , et que le Syncelle seul, dans le neuvième
, semble citer Manéthon comme en ayant fait mention.
On prend, malgré qu’on en ait, les mêmes idées de la science
astronomique des Chaldéens. Qu’un peuple qui habitait de vastes
plaines, sous un ciel toujours pur, ait été porté à observer le cours
des astres j même dès l’époque où il était encore nomade, et où les
astres seuls pouvaient diriger ses courses pendant la nuit, c’est ce
qu’il était naturel de penser; mais depuis quand étaient-ils astronomes,
et jusqu’où ont-ils poussé l’astronomie ? Voilà la question.
On veut que Callisthènes ait envoyé à Aristote des observations
faites par eux, et qui remonteraient à deux mille deux cents ans
avant Jésus-Christ. Mais ce fait n’est rapporté queparSimplicius (2),
à ce qu’il dit d’après Porphyre, et six cents ans après Aristote. Aristote
lui-même n’en a rien dit; aucun véritable astronome n’en a
parlé. Ptolomée rapporte et emploie dix observations d’éclipses
véritablement faites par les Chaldéens;;mais elles ne remontent qu’à
Nabonassar (sept cent vingt-un ans avant Jésus-Christ) ; elles sont
grossières; le temps n’y est exprimé qu’en heures et en demi-
heures, et l’ombre qu’en demi ou en quarts de diamètre. Cependant,
comme elles avaient des dates certaines, les Chaldéens devaient
avoir quelque connaissance de la vraie longueur de l’année
et quelque moyen de mesurer le temps. Us paraissent avoir connu
la période de dix-huit ans qui ramène les éclipses de lune dans le
même ordre, et que la simple inspection de leurs registres devait
promptement leur donner; mais il est constant qu’ils ne savaient ni
expliquer, ni prédire les éclipses de soleil.
C’est pour n’avoir pas entendu un passage de Josèphe, que Cas-
(1) Voyez| sur la nouveauté probable de cette période, l’excellente dissertation de M. Biot,
dans ses Recherches sur plusieurs points de l’astronomie égyptienne, pages 148 et suivantes.
(2) Voyez M. Delambre , Histoire de l’Astronomie, tome -1, page 212. Voyez aussi son
analyse de Geminus, ibid. , page 2ii;( Comparez-la avec les Mémoires de M. Ideler, sur
l’Astronomie des Chaldéens, dans le quatrième tome du Ptolomée de M. Halma, page 166.
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