can; et, pendant que j’étais à Rome (en 1809), on découvrit, dans
un jardin du côté de l’arc de Galien, un pavé en mosaïque de pierres
naturelles assorties à la manière de Florence, représentant quatre
tigres de Bengale supérieurement rendus.
Le Muséum du Vatican possède un crocodile en basalte, dune
exactitude prèsque parfaite (1). On ne peut guère douter que Y hippotigre
ne fût le zèbre, qui ne vient cependant que des’ parties méridionales
de l’Afrique (2). •
Il serait facile de montrer que presque toutes les espèces un peu
remarquables de singes ont’été assez distinctement indiquées par les
anciens-, sous les noms de pithèques, de s p h in x , de satyres, de cébus,
de cynocéphales, de cercopithèques (3).
Us ont connu et décrit jusqu’à d’assez petites espèces de rongeurs,
quand elles avaient quelque conformation ou quelque propriété notable
(4). Mais les petites espèces ne nous importent point relativement
à notre objet, et. il nous,suffit d’avoir montré que toutes les
grandes espèces remarquables par quelque caractère frappant, que
nous connaissons aujourd’hui en Europe, rn Asie et en Afrique,
étaient déjà connues des anciens, d’où nous pouvons aisément conclure
que s’ils ne font pas mention des petites, ou s’ils ne distinguent
point celles qui se ressemblent trop, comme les diverses gazelles et
autres, ils en ont été empêchés par le défaut d’attention et de méthode,
plutôt que par les obstacles du climat. Nous conclurons
également que si dix-huit ou vingt siècles, et la circum-navigation de
l’Afrique et des Indes n’ont rien ajouté en ce genre, à ce que les anciens
nous ont appris, il n’y a pas d’apparence que les siècles qui suivront
apprennent beaucoup à nos neveux. 1
(1) Il n’y a d’erreur qu’un ongle de trop au pied de derrière. Auguste en avait montré
trente-six. Dion lib. lv.
' (2) Ca racal la en tua un dans le cirque. Dion, lib. lxxvii, Conf. Gisb. Cuperi de Eleph. m
nummis obviis, iex. n , cap. vu.
(3) "Voyez Lichtenstein : Comment, de Simiarujn quotquot veteribus innotuerunt formis;
Hamburg 1791.
(4) La gerboise est gravée sur les médailles de. Cyrcne , et indiquée par Aristote sous le nom
de Rat à deux pieds.
Mais peut-être quelqu’un fera-t-il un argument inverse, et dira
que non-seulement les anciens, comme nous venons de le prouver,
ont connu autant de grands animaux que nous, mais qu’ils en ont décrit
plusieurs que nous n’avons pas; que nous nous hâtons trop de regarder
cés animaux comme fabuleux ; que nous devons les chercher
encore avant de croire avoir épuisé l’histoire de la création existante;
enfin que parmi ces animaux prétendus fabuleux se trouveront peut-
être,, lorsqu’on les connaîtra mieux, les originaux de nos ossemens
d’espèces inconnues. Quelques uns penseront même que ces monstres
divers, ornemens essentiels de l’histoire héroïque de presque tous les
peuples, sont précisément ces espèces-.qu’il a fallu détruire, pour
permettre à la civilisation de s’établir. Ainsi les Thésée et les Be'llé-
rophon auraient été plus heureux que tous nos peuples d’aujourd’hui,
qui ont bien repoussé les animaux nuisibles, mais qui ne sont encore
parvenus à en exterminer aucun.
Il est facile de répondre à cette objection en examinant les descriptions
de ces êtres inconnus, et en remontant à leur origine.
Les plus nombreux ont une source purement mythologique, et
leurs descriptions en portent l’empreinte irrécusable ; car on ne voit
dans presque toutes que des parties d’animaux connus, réunies par
une imagination sans frein, et contre toutes les lois de la nature.
Ceux qu!ont inventés ou arrangés les Grecs ont au mois de la grâce
dans leur composition; semblables à ces arabesques qui décorent
quelques restes d’édifices antiques , et qu’a multipliés le pinceau fécond
de Raphael, les formes qui s’y marient, tout en répugnant à la
raison, offrent à l’oeil des contours agréables; ce sont des produits légers
d’heureux sqpges; peut-être des emblèmes dans le goût oriental,
où l’on prétendait voiler sous des images mystiques quelqûes propositions
de métaphysique ou de morale. Pardonnons à ceux qui emploient
leur temps à-découvrir la sagesse cachée dans le Sphinx de
Thèbes, ou dans le Pégase de Thessalie, ou dans le Minotaure de
Crète, ou dans la Chimère de l’Epire; mais espérons que personne
ne les cherchera sérieusement dans la nature : autant vaudrait y
chercher les animaux de Daniel, ou la bête de l’Apocalypse.