dit pas avoir été témoin de leurs combats, ni avoir vu de ces ser-
pens ailés dans leur état d’intégrité. Tout son témoignage se réduit
donc à avoir observé un amas d'ossemens, qui peuvent tres-bien
avoir été ceux de cette multitude de reptiles et d autres animaux
que l’inondation fait périr chaque année, dont elle doit naturellement
transporter les cadavres jusqu’aux endroits où elle s’arrête,
jusqu’aux bords du désert, et qui doivent s’accumuler de préférence
dans une gorge étroite.
Cependant c’est également d’après cette idée des combats de 1 ibis
contre les serpens que Cicéron donne à cet oiseau un bec corné et
fort (i). N’ayant jamais été en Egypte, il se figurait que Cela devait
être ainsi par simple analogie.
Je sais que Strabon dit quelque part que 1 ibis ressemble à la
cigogne par la forme et par la grandeur (2), et que cet auteur devait
bien le connaître, puisqu’il assure que de son temps les rues et
les carrefours d’Alexandrie en étaient tellement remplis, qu’il en résultait
une grande incommodité; mais il en aura parlé de mémoire.
Son témoignage ne peut être recevable lorsqu il contrarie tous les
autres, et surtout lorsque l’oiseau lui-même est là pour le démentir.
C’est ainsi que je ne m’inquiéterai guère non plus du passage ou
Elien rapporte (3), d’après les embaumeurs égyptiens, que les intestins
de l’ibis ont quatre-vingt-seize coudées de longueur. Les prêtres
égyptiens de toutes les classes ont dit tant d’extravagances sur l’histoire
naturelle, qu’on ne peut pas faire grand cas de ce que rapportait
l’une de leurs classes les plus inferieures.
On pourrait encore me faire une objection tiree des longues plumes
effilées et noires qui recouvrent le croupion de notre oiseau,
et dont on voit aussi quelques traces dans la figure de l’abou hannès
de Bruce.
Les anciens, dira-t-on, n en parlent point dans leurs descriptions, 1 2 3
(1) Avis excelsa , cruribus rigidis, corûeo proceroque rostro. Cic., de Nat. deor., lib. 1.
(2) Strab., lib. xvli.
(3) Ælian., anim. , lib. x , cap. xxix.
et leurs figures ne les expriment pas; mais j’ai beaucoup mieux à cet
égard qu’un témoignage écrit ou qu’une image tracée. J’ai trouvé
précisément les mêmes plumes dans l’une des momies de Saccara ;
je les conserve précieusement comme étant à‘ la fois un monument
singulier d’antiquité et une preuve péremptoire de l’identité d’espèce.
Ces plumes ayant une forme peu commune, et ne, se trouvant, je
crois, dans aucun autre courlis, ne laissent en effet aucune espèce
de doute sur l’exactitude de mon opinion.
Je termine ce mémoire par l’exposé de ses résultats.
i°. Le tantalus ibis de Linné doit rester en un genre séparé avec
le tantalus loculator. Leur caractère sera rostrum loeve, validum,
arcuaturn, apice utrinque emarginatum.
2°. Les autres tantalus des dernières éditions doivent former un
genre avec les courlis ordinaires : on peut leur donner le nom de
numenius. Le caractère du genre sera rostrum teres, gracile, ar-
cuatum, apice mutico; pour le caractère spécial du sous-genre des
ibis, il faudra ajouter sulco laterali p er totam longitudinem
exarato.
3°. L’ibis blanc des anciens n’est point l’ibis de Perrault et de
Buffon, qui est un tantalus, ni l’ibis d’Hasselquist, qui est un ardea,
ni l’ibis de Maillet, qui est un vautour ; mais c’est un oiseau du genre
numenius, ou courlis, du sous-genre ibis, qui n’avait été décrit et
figuré avant moi que par Bruce, sous le nom à’abou hannès. Je le
nomme n umenius ib is , albus, capite et collo adulti nudis, remigum
apicibus, rostro et pedibus nigris, remigibus secundariis elon-
gatis nigro-violaceis.
4°. L’ibis noir des anciens est probablement l’oiseau que nous
Connaissons en Europe sous le nom de courlis vert, ou le scolopax
fa lcinellu s de Linné : il appartient aussi au genre des courlis et au
sous-genre des ibis.
5°. Le tantalus ibis de Linné, dans l’état actuel de la synonymie,
comprend quatre espèces de trois genres différens, savoir :
i°. Un tantalus, l’ibis de Perrault et de Buffon;
2°. Un ardea, l’ibis d’Hasselquist;