58 H i s t o i r e N a t u r e l l e
furmontée , de grandes oreilles fort ouvertes & fort
droites; il a le nez contrefait, les narines en entonnoir,
avec une membrane au deffus qui s’élève en forme de
corne ou de crête pointue & qui augmente de beaucoup
: la difformité de fa face. Ainfi l ’on ne peut douter que cette
efpèce ne foit toute autre que celles de la rouflette & de la
rougette : le vampire-eft âuffi mal-fàifànt que diffo rm e ,
if inquiète.l’h om m e , tourmente & détruit les animaux.
Nous ne pouvons citer un témoignage plus authentique
& plus récent que celui de M. de la Condamine : .« les
» ichauve-fouris, dit - il ” , qui fucent le fàng des che-
« vaux, des mulets , & même des hommes quand ils ne
».s’ en garantiffent pas en dormant à l’abri d ’un pavillon ,
» font un fléau commun à la plufpart des pays chauds de
» l’Amérique; il y en a de monflrueufos pour lagroffeur;
» elles ont entièrement détruit à Bor/a & en divers autres
» endroits le gros bétail que les Miflionnaires y avoient
introduit, & qui commençoit à: s ’y multiplier1 ». -Ces
faits font confirmés par plufieurs autres Hiftoriens &
Voyageurs. Pierre M ar ty rh, qui a écrit affez peu de temps
après la conquête de l’Amérique méridionale, dit qu’il
y a dans les terres de l ’iflhme de Darien des chaxive-
* Voyage de -la rivière clés . Amazones, .par- M. de ia Condamine.,
Paris, / 745 , page 1 71.
1 ln Dariene novi orbis régime PTifpani noâu vefpertilionum morjibus
torquebantur, quæ fi dormientem forte momorderint quempiam,. exhaujlo
fanguine trdhunt in vitre dlfcrimtn'dP mortuosfuiffe ntmmllos ex ea tabe
comperium tjl. Petrus Martyr, Oceqni detadis tertite, Itb. vide
la Roussette, de la Rougette, ire. 59
fouris qui fucent le fàng des hommes & des animaux,
pendant qu’ils dorment, jufqu’à les épuifer & même au
point de les faire mourir; Jumifla a affure la même chofe,
aùfli-bien que D om G eo rg e Juan & D on t Antoine de
UUoa b. St paraît en conférant ces témoignages que
i ’eipèce de ces chauve- fouris qui fucent le fàng efl:
nombreufe & très-commune dans toute l ’Amérique
méridionale; néanmoins nous n’avons pû jufqu’ici nous
* Dans l’Amérique méridionale les chauve - fouris font encore un
fléau fi cruel & fi funefte qu’il faut fsivoir éprouvé pour le ordre :
il y en a de deux fortes, les unes font de la groflèur de celles que nous
voyons en Elpagne, les autres font fi groflës quelles ont trois quarts
d’aune de longueur d’un bout de l’aile à l’autre, j Les unes dp les autres
font d’adroites làngfues s’il en fut jamais, qui rodent toute la nuit pour
boire le fang des homnjes & des bêtes : fi ceux que leur état oblige
de dormir par terre ti’dlit paS' font de le couvrir depuis les pieds jufi
qu’à la tête, ce qui eft extrêmement incommode dans des pays aullï
chauds , ils doivent s'attendre à être piqués des chauve-fouris ; à l’égard
de ceux qui dorment dans les mailbns fous des mofquiteros, quand ils
n’auroient que,le front découvert., ils en font infailliblement mordus , &
fi par malheur ces oifèaux leur piquent une v.eine, ils patient d,es bras
du fommeil dans ceux de la mort, A "caUle 'de 1a quantité de fàng
qu’ils perdent fans s’en apercevoir, tant leur piqûre «fl fubtife; outre
que battant l’air ayec -leurs -ailes, e![es rafraîchifîênt le dormeur auquèl
elles ont deffein -d-’ôter la vie. Uijloire naturelle de l ’Orénoque , par le
Père Jumilla, traduite de l’efpagnol, par Ad. Eidous. Avignon, J 7 7 S,
tome 1 1 1 , p'agt 100.
b Leschauve-fouris font communes à Carthagène ; elles fârgnent fort
adroitement les hàbitans en leur tirant allez de làng, fans les-éveiller,
pour les affoiblir extrêmement. Extrait de la Relation hiforique du
voyage de l ’Amérique méridionale, par D . George Juan dp D . Antoine
de Ul/oa, dPc. Bibliothèque raifonnée, tome X L IV , page 40p.