24. H i s t o i r e N a t u r e l l e
sèche & moins chargée de lard que celle du cochon ;
n ’eft pas mauvaife à manger ; elle deviendrait meilleure
par la caftration : lorfqu’on veut manger de cette
viande il faut avoir grand foin d ’enlever au mâle non
feulement les parties de la génération , comme l’on
fait au fanglier , mais encore toutes les glandes qui
aboutirent à l’ouverture du dos dans le mâle & dans la
femelle ; il faut même faire ces opérations au moment
qu’on met à mort l ’animal , car fi l’on attend feulement
une demi-heure fa chair prend une odeur fi forte
qu’elle n’eft plus mangeable.
L e s pécaris font très-nombreux dans tous les climats
chauds de l’Amérique méridionale ; ils vont ordinairement
par troupes , & font quelquefois deux ou trois
cents enfemble ; ils ont le même inftinét que les cochons
pour fe défendre, & même pour attaquer ceux fur-tout
qui veulent ravir leurs petits ; ils fe fecourent mutuellement,
ils enveloppent leurs ennemis, & bleffent fouvent
les chiens & les Chaffeurs. Dans leur pays natal ils
occupent pluftôt les montagnes que les lieux bas ; ils
ne cherchent pas les marais & la fknge comme nos
fangliers ; ils fe tiennent dans les bois où ils vivent de
fruits fauvages, de racines, de graines; ils mangent auffi
les ferpens, les crapaux , les lézards qu ils écorchent
auparavant avec leurs pieds ; ils produifent en grand
nombre, & peut-être plus d ’une fois par an ; les petits
fuivent bien-tôt leur mère & ne s’en féparent que quand
ils font adultes : on les apprivoife, ou pluftôt on les
J prive
DÛ P E C A R I OU DU T A J A C U .
prive aifément en les prenant jeunes ; ils perdent leur
férocité naturelle, mais fans fe dépouiller de leur grof-
fièreté, car ils ne connoiflent perlonne, ne s’attachent
point à ceux qui les foignent; feulement ils ne font
point de m a l, & l’on peut, fans inconvéniens, les lailfer
aller & venir en liberté ; ils ne s’éloignent pas beaucoup,
reviennent d’eux-mêmes au g îte , & n’ont de querelle
qu’auprès de l’auge ou de la g am e lle , lorfqu’on la leur
préfonte en commun : ils ont un grognement de colère
plus fort & plus dur que celui du c o c h o n , mais on les
entend très-rarement crier ; ils foufflent auffi comme le
fanglier lorfqu’on les ftirprend & qu’on les épouvante
brufquement ; leur haleine eft trèsrforte, leur poil fe hériffe
lorfqu’ils (ont irrités ; il eft fi rude qu’il reffemble pluftôt
aux piquans du hériiïon qu’aux foies du fanglier.
L ’efpèce du pécari s’ eft confervée fans altération
& ne s’eft point mêlée avec celle du cochon maron ;
c ’eft ainfi qu’on appelle le cochon d ’Europe tranfporté
& devenu lauvage en Amérique : ces animaux fe ren contrent
dans les bois & vont même de compagnie
làns qu’il en réfuite rien ; il en eft de même du cochon
de Guinée qui s’eft auffi multiplié en Am é r iq u e , après
y avoir été tranfporté d ’Afrique. L e cochon d’Europe,
le cochon de Guinée & le pécari font trois elpèces
qui paroiffent être fort v oifine s, & qui cependant font
diftinétes & féparées les unes des autres, puifqu’elles
fubfiftent toutes trois dans le même climat fans mélange
& fans altération : notre fanglier eft le plus fo rt, le plus
Tome X , D