1 1 8 H i s t o i r e N a t u r e l l e
que les petits-gris de Laponie font les mêmes animaux
que nos écureuils de France ; ce témoignage eft fi pofitif
qu’il ferait fuffifànt, s’il n’étoit pas contredit par d’autres
témoignages; mais M. Regnard, qui nous a donné d’excellentes
pièces de théâtre, ne s’étoit pas fort occupé
d’hiftoire naturelle ; & il n’a pas demeuré allez long temps
achetez la marchandilë lins la voir & que la peau eft retournée, en
forte que la fourrure eft en dedans. Il n’y a point de diftinétion à faire,
toutes font de même prix, & il faut prendre les méchantes comme les
belles, qui ne'coûtent pas plus les unes que tes aunes. Nous apprîmes
avec nos Lapons une particularité furprenante touchant les petits-gris, & qui nous a été confirmée par notre expérience : on ne rencontre pas
toujours de ces animaux dans une même quantité, ils changent bien
fouvent de pays , & l’on n’en trouvera pas un dans tout un hiver où
l’année précédente on en aura trouvé des milliers. Ces animaux changent
de contrée ; lorfqu’iis veulent aller en un autre endroit, & qu’il faut
paflèr quelque lac ou quelque rivière, qui fe rencontre à chaquejtas
dans la Laponie, ces pedts animaux prennent une I écorce de pin ou de
bouleau qu’ils tirent fur le bord de l’eau, fur laquelle ils le mettent &
s’abandonnent ainfi au gré du vent, élevant leurs queues en forme de
voiles, jufqu’à ce que le vent fe fàifant un peu fort & la vague élevée,
elle renverfe en même temps & le vaiflèau & le pilote. Ce naufrage,,
qui eft bien fouvent de trois ou quatre mille voiles, enrichit ordinairement
quelques Lapons qui trouvent ces débris for le rivage , & les
font fervir à leur ulàge ordinaire, pourvu que ces petits animaux n’aient
pas été trop long-temps for le fable; il y en a quantité qui font une
navigation heureufe & qui arrivent à bon port, pourvu que le vent
leur ait été favorable & qu’il n’ait point caule de tempêtes for l’eau,
qui ne doit pas être bien violente pour engloutir tous ces petits hâti-
tnens. Cette particularité pourrait paflèr pour un conte fi je ne la tenois
par ma propre expérience. OEuvres de AI. Regnard.urne 1, page 16g. Paris, 1742,
en Laponie pour avoir vû de fes yeux les écureuils changer
de couleur. Il eft vrai que des Naturaiiftes, entr’autres
M . Linnæus, ont écrit que dans le Nord le poil de
l’écureuil change de couleur en hivera. Cela peut être
vrai, car les lièvres, les loups, les belettes changent
aufli de couleur dans ce climat; mais c ’eft du fauve ou
du roux au blanc que fe fait ce changement, & non
pas du fauve ou du roux au gris-cendré ; & pour ne
parler que de l’écureuil, M. Linnæus , dans le Fauna
Suecica, d it, ceflate ruber, hyeme inc amis , il change donc
du rouge au blanc, ou pluftôt du roux au blancheâtre ;
& nous ne croyons pas que cet auteur ait eu de fortes
raifbns pour fubftituer, comme il l’a fait, à ce mot
incarnes celui de cinereus, qui fe trouve dans là dernière
édition du Syflem a natieroe : M . Klein h allure au contraire
que les écureuils autour de Dantzic font rouges
en hiver comme en été, & qu’il y en a communément
en Pologne de gris & de noirâtres qui ne changent pas
plus de couleur que les roux ; ces écureuils gris & noirâtres
fe retrouvent en Canada c & dans toutes les parties
* Sciurus vulgaris. , . . . . . habitat in arboribus frequens, ceflate ruber,
hyeme incanus, Fauna Suecica. Stockolm , 1 7 4 6 , pag. y . — Sciurus
vulgaris........Æflate ruber, hyeme cinereus. Syft. nat. edit. X, pag. 6g.
h Sciurus vulgaris rubicundus............. Noßrates tarn in filvis quam in
caveis vulgares ér hyeme de ceflate rubri. . . . . . In Polonia utique vulgares
cinerei non mutantes pelfem ; haud rari quoque vulgares nigrican-
tes, dfc. Klein, de quadrup. pag. 53. — In Ukrainâ, interflciuros coloris
rutili, nigricantesfpedantur. Rzaczynski, auâ. H iß. nat. Po/on. pag. 521.
c Les efeurieux de Virginie approchent fort de la grandeur de nos