2 0 2 H i s t o i r e Na t u r e l l e
des êtres par un feul caractère, il fe trouverait toujours
incomplet & fautif; fouvent même deux & trois caractères,
quelques généraux qu’ils puiffent être, ne fuffifent
pas encore ; & ce n’efl, comme nous l’avons dit &
redit , que par la réunion de tous les attributs & parl’é-
pumération de tous les caractères qu’on peut juger de
la forme effontiejle de chacune des productions de la
Nature. Une bonne defcription & jamais de définitions,
une expofition plus fcrupuleufe fur les différences que
fur les reffemblances , une attention particulière aux exceptions
& aux nuances même les plus légères font les
yraies règles, & . j’ofe dire les feufs moyens que nous
ayons de cOnnoître la nature de chaque chofe ; & fi l’on
eût employé à bien décrire tout le temps qu’on a perdu
à définir & à faire des M éthodes, nous n’euffions pas
trouvé l’Hiftoire Naturelle ail berceau , nous aurions
moins de peine à lui ôter fus hochets, à la débarraffer
de fes langes , nous aurions peut-être avancé fion âge,
car nous euffions plus écrit pour la fcience & moins
contre l’erreur.
Mais revenons à notre objet. Il exifle donc parmi
les animaux quadrupèdes & vivipares piufieurs efpèces
d ’animaux qui ne font pas couverts de poil. Les; tatous
font eux feuls un genre entier dans lequel on peut
compter piufieurs efpèces qui nous paroiffent être réellement
diftinêles &. féparées les unes des autres: dans
toutes, l’animal efl revêtu d’un têt feniblable pour la
fubftance à celle des os'; ce têt couvre la tête, le cou, le
d o s, les flancs, la croupe & la queue jufqu’à l’extrémité,
il efl lui-même recouvert au dehors par un cuir mince,
iifle & tranfparent ; les feules parties fur iefquelles ce têt
ne s’étend pas, font la gorge, la poitrine & le ventre
qui préfêntent une peau blanche & grenue, femblabie à
celle d’une poule plumée ; & en regardant ces parties
avec attention , l’on y voit de place en place des rudi-
mens decailles qui font de la même fubflance que le
têt du dos ; la peau de ces animaux m êm e, élans les
endroits où elle efl la plus fonpie, tend donc à devenir
pfleufe, mais l’oflification ne fe r-éalife en entier qu’où
elle efl la plus épaifle , c’eft - à - dire , fur les parties
fupérieures & extérieures du corps & des membres.
L e têt qui recouvre toutes ces parties fupérieures, n’efl:
pas d’une feule pièce comme celui de la tortue ; il efl
partagé en piufieurs bandes fur le corps , Iefquelles font
attachées les unes aux autres par autant de membranes
qui permettent un peu de mouvement & de-jeu dans
cette armure. Le nombre de ces bandes ne dépend pas,
comme on pourrait l’imaginer, de lage de l’animal, les
tatous qui viennent de naître & les tatous adultes ont,
dans la même efpèce , le même nombre de bandes ;
nous nous en font mes convaincus en comparant les petits
aux grands, & quoique nous ne puiffions pas aflùrer que
tous ces animaux ne fe mêlent ni ne peuvent produire
enfemble; il efl: au moins très - probable , puifque cette
différence du nombre des bandes mobiles efl confiante,
que ce font ou des efpèces réellement diftinétes, ou
C c ij