nourriffent de fourmis, .& plongent aufli leur langue dans
le miel & dans les autres fubftances liquides ou vifqueufès;
ils ramaflènt aflèz promptement les miettes de pain &
les petits morceaux de viande hachée; on les apprivoife
& on les élève aifément ; ils foûtiennent long-temps
la privation de toute nourriture ; ils n’avalent pas toute
la liqueur qu’ils prennent en bûvant, il en retombe une
partie qui paflè par les narines ; iis dorment ordinairement
pendant le jour , & changent de lieu pendant la
nuit; ils marchent fi mal qu’un homme peut les atteindre
facilement à la courfe dans un lieu découvert. Les Sauvages
mangent leur chair qui cependant eft d’un très-
mauvais goût.
On prendroit de loin le tamanoir pour un grand
renard, & c’eft par cette raifon que quelques Voyageurs
l’ont appelé Renard américain; il eft aflez fort pour fè
défendre d’un gros chien & même d’un jaguar; lorfqu’il
en eft attaqué il fe bat d’abord debout, & , comme
l’ours, il fe défend avec les mains dont les ongles font
meurtriers ; enfuite il fe couche fur le dos pour fè fervir
des pieds comme des mains, & dans cette fituation il
eft prefque invincible & combat opiniâtrement jufqu’à
la dernière extrémité, & même lorfqu’il a mis à mort
fon ennem i,. il ne le lâche que très-Jong-temps après ;
il réfifte plus qu’un autre au com bat, parce qu’il eft
couvert d’un grand poil touffu, d ’un cuir fort épais, 6c
qu’il a la chair peu fenfibie & la vie très-dure.
Le tamanoir, le tamandua & le fourmiller font des
animaux naturels aux climats les plus chauds de l’Amérique,
c’eft-à-dire, au Brefil, à la Guiane, aux pays des
Am azones, &c. On ne les trouve point en Canada ni?
dans les autres contrées froides du Nouveau monde; on
ne doit donc pas les retrouver dans l’ancien continent, cependant
Kolbe a&Defmarchaisb ont écrit qu’il y avoit de
ces animaux en Afrique, mais il me paroît qu’ils ont confondu
le pangolin ou lézard écailleux avec nos fourmiliers.
C ’eft peut-être d’après un paflàge de Marcgrave où il eft
dit: Tamandua-guacu Braflienfbus, Congenfibus (ubi èr
frequens e ji) umbulu didus, que Kolbe & Defmarchais
font tombés dans cette erreur ; & en effet fi Marcgrave
entend par Congenfibus les Naturels de C ongo, il aura
dit le premier que le tamanoir fè trou voit en Afrique,
ce qui cependant n’a été confirmé par aucun autre témoin
digne de foi; Marcgrave lui-même n’avoit certainement
pas vû cet animal en Afrique , puifqu’il avoue qu’en
Amérique même il n’en a vû que les dépouilles. Defmarchais
en parle aflez vaguement, il dit Amplement qu’on
trouve cet animal en Afrique comme en Amérique,
mais il n’ajoûte aucune circonftance qui puifle prouver
le fait ; & à l’égard de Kolbe nous comptons pour rien
fbn témoignage, car un homme, qui a vû au cap de
Bonne-efjaerance des élans & des loups-cerviers tousfèm-
blafiles à ceux de Prude, peut bien auflï y avoir vû des-
* Defcription du cap de Bonne-etperance, par Kolbe, tome I I I , ,
page 4 ; .
1 Voyage de Defmarchais,. tome I I I , page ; o j .