
car comme les chefs Romains ne triomphoient jamais dune vidoire gagnée
contre d'autres Romains , comme nous avons dit en parlant des triomphes ;
on ne voit pas qu'ils aient jamais érigé de monumens de ces fortes de victoires.
Je ne poufferai pas plus avant mes conjectures fur ce fujet : je ne fai ce que
fait cette colonne à l’extremité de l’un des fragmens ; eft-ce pour marquer
que la bataille s'eft donnée près de terre ? ou eft-ce une colonne engee
après la victoire ; Je n'oferois rien prononcer là-defTus.
Ces bas reliefs font en certains endroits fort maltraitez par 1 injure du tems ,
ce qui n'empêche pas qu'ils ne nous apprennent bien des chofes : ce qu'on remarque
d'abord eft, que la Ilote ennemie prend déjà la fuite devant les vaiiféaux
Romains.Toutes les proues Romaines font tournées contre les pouppes
des ennemis-.les Romains en pourfuivant choquent rudement les vaifleaux
de leurs adverfaires pour les fracafTer & lesfubmerger ; nous en volons un en
effet coulé à fond.
Ce qui frappe encore dans cette image , c'efl que de quatre vaifleaux Ro*
mains qui paroiffent ic i, les trois ont au centre du vaiffeau de hautes tours
quarrées, munies de créneaux fur le haut. La tour fe trouve auffi fur 1 autre
navire du centaure, qui femble être lenavire Prétorien & le chef des autres;
mais elle y eft fur la pouppe & non au milieu. Nous avons déjà vu ci-devant que
plufieurs anciens Auteurs ont fait mention de tours mifesdans les yaifTeaux,
ou fur la proue, ou fur la pouppe, ou fur les cotez, comme etoient celles du na-
vire cTHieron} mais pas un na parlé de tours mifes au centre des vaifleaux. Ce
qui prouve ce que nous avons fouvent dit, que cette hiftoire muette des monumens
antiques, nous apprend bien des chofes que les anciens Hiftoriens ont
pafTées. Ces tours font d'affez differente ftrufture : toutes ont une grande ouverture
ou une efpece de grand portail au milieu qui les perce d outre en
outre, pour laifTer un pafTage libre aux foldats: une n'a qu'un étage, deux font à
deux étages, & la quatrième paroit en avoir trois ou quatre; ce qui le voit par
les differens rangs de fenêtres,plus hautes ou plus baffes;entre le plus haut & le
plus bas rang de fenêtres, il y en a une qui occupe la largeur de plus de la moitié
de la tour. Il ne paroit aucun foldat dans ces tours ; & laraifon en eft
peutêtre , que l’ennemi prenant la fuite, les foldats ne font plus neceffaires
là ,& qu'ils font mieux fur la proue pour être plus près des ennemis , &
gnam Romanorum contra Græcos : ne dicamus enim
hîc Romanos contra fuos ip (os con tri baies pugnare^
vetat mos ille Romanorum , de quo fupra loqueba-
mur , ut fcilicet nunquam ob vi&oriam de Romanis
repo; tatam triumpharent: neque deprehenduntur etiam
Romani monumenta vidoriarum hujufmodi unquam
erexifle. Hæc non ultra conje&uris profequar; neque
intelligere me fateor quid fignificet columna ilia In
extrema unius fragment! parte ere&a. An ut fignifice-
tur pugnam prope littus maris commiflam fui (Te ? an
columna fuerit poft vidoriam ereda ? nihil proferre
Hæc anaglypha quibufdam in locis exefa admo-
4um detritaque injuria remporum funt j verum fie la-
befadata , multa docent circa rem nauticam. Quod
primo intuitu intelligitur, eft hoftilem clâflem ante
Romanam fugere. Omnes Romanorum prorae contra
puppes hoftium convcrtuntur Romani infequentes
roftris in puppes adverfariorum vehementer impin-
gunt ut perfringant fubroergantque : unam certe con-
fpicimus navem , qua: alterius impetu deprimitur.
Id etiam in hac imagine fpedabile eft, quod ex
quatuor Romanis navibus, quæ in ea comparent, ires
przaltis turribus, quæ pinnas habenr, in umbilico
feu in centro navis cônftitutis munitæ fint : hæc vero
turris in navi Centauri, quæ prætoria videtur efie, in
puppi erigitur. Turres in navibus pofitas aScriptori-
bus fæpe memoratas vidimus fupra, fed quæ vel in
puppi vcl in prora, vel ut in Hieronis nave in lateri-
bus locatæ eflent, nufquam vero in centro navis ?
nam , ut jam frequenter obfervavimus , hiftoria ilia
muta monumentotum multa nos docet, quæ a
Scriptoribus inobfervata intadaque fuerunt. Hæ turres
non fimilis prorfus ftruduræ omnes funt : fingulæ
portam feu oftium magnum habent, turris totam lati-
tudinem permeans, qua tranfitus libereffet iis qui in
cataftromate pugnabant. Alia turris tabulatum unum
habet, duæ aliæ duobus funt inftrudæ tabulatis , in
quarta tria quatuorve tabulata feu concignationes efie
videntur , ut ex feneftris colligi poteft : in hac vero
inter fupremum & infimum feneftrarum ordinem alia
amplior feneftra eft, quæ plufquam dimidiam tutris
latitudinem occupât* In turribus ne units quidemmiles
confpicitur, en jus rci caufam earn efie puro, quod
cum hoftilis claffis fugam faefat, nullus milirum in
turribus conftitutorum ufus efie poflit, fed melius in
B A T A I L L E N A V A L E DE S R O M A I N S .
pout venir à l’abordage , s’il eft necefTaire. Il n’y apoiht de mât dans ces vaif:
féaux , il avoit apparemment été abatu avec les voiles ; car on abbatoit les
voiles pendant le combat,comme nous avons dit. On pourroitpeutêtre
dire que les mâts font cachez dans les tours , qu’ils en font partie , & fèrvenc
a les foutenir ; mais il faudroit pour cela que les mâts fuffent de deux pièces }
& qu’on eut ôté la plus haute : car quoique les tours foient fort élevées , elles
n’ont pas la hauteur que devroit avoir un mât. J’aime mieux croire que le mât
étoit abatu dans tous les navires ; & ce qui le prouve, c’eft que dans le navire
du centaure , où la tour qui eft à la pouppe ne peut pas cacher le mât,
il n’y en paroit aucun au milieu. Ces tours , au refte > dévoient avoit été faites
promtement, & peu de tems avant le combat ; c’étoient des pièces rap-
{>ortees qu’on ajuftoit ,& qu’on défaifoit comme on vouloit ; on connoiffoit
a place de chacune, & on étoit accoutumé à les dreffer promtement : deuxde
ces tours femblent conftruites de pierres de taille ; parce que les pièces qui les
compofoient en avoient la forme.
Ces vaiffeaux pouffent violemment de leurs éperons les pouppes des vaifleaux
des ennemis qui fuient : ils font des efforts pour les fiibmerger ou les prendre.
Celui qui a la marque du centaure en coule actuellement un à fond ,
les foldats du vaiffeau fubmergé tâchent de fe fauver comme ils peuvent ; un
fe tient à l’éperon du vaiffeau ennemi ; un autre a attrappé une rame du même
vaiffeau ; mais l’un & l’autre font fort maltraitez par l’injure du tems;
l ’un n’a point de tête, l’autre n’a ni tête ni bras.
Cd vaiffeau qu i coule à fond l’autre, a fur le haut de la proue un grand centaure
en relief : ces figures donnoient fouvent le nom aux vaifleaux : il y a apparence
que celui-ci s’appelloit le centaure, nous en avons vû ailleurs quel-'
qu’un de même nom. Cette proue paroit avoir trois éperons : celui d’enbas
qui eft prefque à fleur d’eau ou fe tient actaché le foldat, dont le vaiffeau coulé
à fond ; la tête du belier qui avance prefque autant que l’éperon qui eft à fleur
d’eau, & peutêtre la pointe de deflus qu’on voit un peu aùdefloüs dü centaure,
quoique je n’ofe pas affûter que ce dernier foit un éperon. Il y avoit effectivement
des proues a trois éperons, comme nous avons vû ci-devant. Des autres
navires, un a pour éperons deux têtes de belier, dont fune eft au milieu de
rrora & în tabulate locentur, Ut in Fugiëntes naves, fi
quidem attingi valeanc j facilius irrumpere poflïnt. In
h i fee navibus nullus confpicitur malus , quoniahi for-
tafic cum velis demiflus fuerat ; nam vela diximus
fupra pugnæ tempore demifia fuifie : nifi Fortafie dicamus
malos intra turres occultos efie & turribus fu-
ftinendis inferviifle ; fed fi ica res efier, màlos non eX
una arbore fà<Stos ruifie oporterct, fed ex duabus ,
quarum alrera fubmota effet y eefi namqué turres fubli-
mes, non ea tamen funt altitudine qua malus efie de-
buir. Quare crederein potius malos navium ad han'c
claflïcam commirtendam pugnam fuifie demi fibs, rem-
que ita fe habere fuadet ilia Centauri navis , cujus
turris in puppi eft, nullufque tamen malus comparet.
Cæterum illæ turres celcrirer parabiles fuifie videntur
, &c ante pugnam vélo ci opera erigerentur opor-
ruir. Erant quippe ligna ad Bam rem concinnata, quæ
nu lip negotio portent in opus admoveri, cujufque af-
feris , cujufque t-igni locus ptobe cognitus erat,coquë
padto poteranc turres pari Facilitate conftrui &di(folvi.
Ex hifee turribus duæ quafi ex lapidibus quadratis
ftnuStæ videntur, quia ligna àd nloduib lapidum quadra
to ru m erant adornata.
Hæ naves roftris hoflilium navium fugientium
puppes vehementer impetunt, ut vel déprimant vel
capiant. Quæ Centauri ftatuam in prorà habet, ingen-
ti pereuffam i<ftu navem demergit : cujus deprefiàè
navis milites faluti, ut poflunt, confulere ftudent j
alius hoftilis bavis tbftrum compleditur \ alius ejuf«
dem bavis remum arripit ; fed aibbo temporum injuria
Iabefadati funt : alter capite truncatus eft s alter
capite pariter & brachiis caret.
Navis ilia quà: hoftilem navem delbergic, centau-
rum, ut diximus, in extrfema prora fublimehi habet,
qui centabrus ftatua eft folida. Hujufmodi vero imagines
navibus nomeh indere folebant : vix dubitent
hanc navem centauruni appellatam fuifie : centaurum
certe navem alicubi vidimus appellatam. Hæc prora
tria videtut habere roftra j netbpB infimum illud ro-
ftrum quod âquam fere tàngit, quodque comple&i-
tur miles e naüfragio elapfiisj caput item arietis,quod
eadehi Fere menfura extra navim procedit, qua illud
aliud roftrilm aquæ proximum ; & foirtafle acumen
illud fuperiusfub centaüro, quamquam dubirandi lo cus
fit an fit roftrum necnc. Tria roftra naves quafi-
dam habuilfe jam vidimus i ex aliis vero hujus tabulæ
navibus urta pro roftris duo capita arietlna habet j
quorum aliud in media prorae altitudine, aliud prope