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navires, fans y compter les autres plus petits vaifleaux à cinquante rames :
des trois cens foixance-dix-huit, les Athéniens feuls en fournirent cent quatre
vingt.
La bataille commença au point du jour :1e premier qui attaquafut Aminias
de Pallene Athénien ; il choqua violemment un vaifleau des ennemis, & le
perça, enforte qu’il y demeura attaché : alors les autres venant pour le fecou-
rir, la mêlée commença tout de bon : les Eginetes difoient pourtant que
c’étoit un de leurs vaifleaux qui avoir commencé la bataille. Les Athéniens
combattoient contre les Phéniciens, & les Lacedemoniens contre ;ks Ioniens;
quelques-uns d’entre ces derniers, iollicitez fous main parThemiftocle, épar-
gnoient autant qu’ils pouvoient leurs adverfaires qui étoient Grecs comme
eux. D’entre ces Ioniens, il y en eut auflï qui prirent quelques navires des
Grecs, comme Theomeftor Samien,qui fut en récompenfe de cela confti-
tué par Xerxés -tyran de Samos ; & Phylacus, qui fut écrit avec ceux qui
avoient bien fervi le Roi, & eut en récompenfe beaucoup de fonds de terre ;
cependant la fiote du Roi étoit fort mal menée : beaucoup de navires étoient
coulez à fond par les Athéniens, & par les Eginetes : la raifon de cela
étoit, que les Grecs combattoient avec beaucoup d’ordre, au lieu que les
Barbares combattant confufement ,& ne tenant ni rang ni ordre, dévoient
avoir neceflairement un mauvais fuccès, comme ils l’eurent auffi ; ce n’eft pas
qu’ils ne combattiflent vaillamment, & qu’ils ne fiflènt beaucoup mieux qu’ils
n’avoient fait en l’ille d’Eubée : la préfence & la crainte du Roi Xerxés qui les
regardoit d’une montagne voihne, les animoient à combattre : mais le défor-
dre étoit lî grand dans leur flore qu’on n’y pouvoir prefque point démêler les
aérions particulières. Il y eut fur ets entrefaites un cas fort fingulier qui arriva
à la Reine Artemife , & qui augmenta le crédit qu’elle avoit auprès du Roi.
Dans le tems que la flote du Roi étoit dans le délordre que nous venons de
décrire, le navire d'Artemilè fut attaqué par -un Athénien: elle fe trouvant
hors d’état de refiler, & n’aiant pas d’autre moien de s'enfuir, parce que des
vaifleaux roiaux lui barraient le chemin par où elle pouvoit fe fauver, s’avilà
d’un expédient qui lui réuflît : aiant tourné la proue pour fuir devant ce vaifi-
feau Athénien, elle alla heurter rudement contre le vaifleau deDamaf thymus
roi des Chalyndiens , qui combattoit pour le roi Xerxés, le coula à fond, & fe
fit un paflage pour fe- fauver; on ne fçait pointfi c’écokpar vengeance , & à
noribus navigiis quinquaginta remorum : ex iistrire-
mibus, centum o&oginta foil Athenienfcs fuppedita-
Pugna ccepit fummo mane.Qui prior hoftes aggref-
fus eft Aminias fuic Pallenius Athenienfis : is in na -
•vem vehementer impegit & ufque adeo per fora vit, ut
ejus navis hoftilipoftea hxreret: fuccedentibus deinde
ad opera ferendam aliis navibus gravior confli&us eva-
ü t. Narrabant tarnen ALginetaj pugnam ab una ex tri-
remibus fuis initam fuifle. Athcnienfibus adverfi erant
Phoenices & Lacedxmonii contra Ionas pugnabant:
ex iis vero poftremis aliquot, clam fuggerente The-
miftocle , remiflius utpote Grarci contra Grxcos age*
bant. Inter Ionas tarnen aliqui fuere qui ferio pugnan-
tes naves aliquas Grxcorum cepere , ex quorum nu-
mero fuere Theomeftor Skmius, qui in mercedem
rei bene göftx Samiorum ryrannus a Xerxe conftitutus
fuit, 6c Phylacus, qui inter bene meritosde rege ad-
feriptus fu it, & in prxmium prxdia accepit multa.
Interim regia claflis admodum laborabat ; mulrx ab
«Athenienfibus naves , multae ab ALginetis demergebantur.
Male a regia clafle a&ae rei hinc occafio ;
Graeci ordine pugnabant, cum contra barbari pertur-
batoagmine decertarent; quare nonnifi infauft© exitu
dimicate poterant, quod etiam accidir. I Hi tarnen fire-
nue , ut poterant, rem agebant, animofiufque pugnabant,
quam antea in Euboea infula fecerant. Piae-
fentia quippe Xerxis regis ejufque ex monte eventum
confpicientis metus ad fortiter dimic^ndum conci-
tabat. Veruro tanta in clafle regia perturbatio erat, tie
Vix poflet quid quifque agerct deprehendi. Hac rerum
conditione fingulare quidpiam accidir, quo Ar-
temifiae apud regem gratia major evafit.Regiis navibus
fic nullo ordine difeurfantibus , navis in qua Artemi -
fia erat abAfhenienfi nave oppugnataeft: ea cum nulla
obfiftendi eflet facultas, nec fugam faccre poflet im-
pedientibus videlicet aliis reglis navibus, rem animo
concepit, qux ipfi fecundum confilium reite ceflit »
cum proram enim obvertiflet ut ante navcm Athe-
nienfem fugeret, violenter impegit in navem Dama-
fithymi regis Chalyndiorum, qui pro rege Xerxe pu-
gnabat, ipfamquc demerfit, illoqiie iibi modo exitium
cauie
B A T A I L L E N A V A L E DE S A L AMIN E . i 79
caulè d unequerelle que lui avoit faiteDamaiithymus dansl’Hellelpont,qu’elle
1 attaqua preferablement aux autres ; mais quoi qu’il en foit, elle tira de cette
aérion deux avantages : le premier fut, que kCapitaineAthenien voiant que ce
vaifleau qu’il pouriuivoit, avoit coulé à fond un vaifleau des ennemis,crut que
c étoit un navire ou grec , ou qui s’étoit tourné du côté des Grecs pendant le
combat,& laifla celui là pour en aller attaquer d’autresde fécond avantage fut,
que le roi Xerxés qui regardoit cette bataillé d’une montagne, fut averti par
quelqu’un, apparemment amfd’Artemife : Voiez Vous ; mon Prince, dit-il,
comme Artemife fe porte vaillamment, & comme elle vient de couleràfond
un vaifleau des ennemis.; le Roi lui demanda f c’étoit véritablement le vaifleau
d’Artemife : il lui répondit que c’étoit aflurement celui-là , & qu’il encon-
noifloit la marque : ce qu’il difiôit, parce qu’il croioic que lé vaifleau coulé à
fond étoit des ennemis. Le bonheur voulut encore que du vaifleau coulé à
fond pas un ne fe iauva, qui pât l’acctiièr ; on dit que lé roi Xerxés periuadé
qu’Artemife avoit coulé à fond un- navire de fies ennemis , dit : Les hommes qui
'combattentpour moi agijfent en-femmes j&'-les femmes agiffint en hommes. Il périt
dans ce combat beaucoup de grands SeigneursPerfes & d’autres nations, entre
autres Ariabignés fils >de Darius & frere de Xerxés ; des Grecs il en périt fort
peu , parce que comme ils favoient tous nager-, quand leurs navires étoient
fracaflez ou coulez à fond , ils fe iàuvoient en nageant jufqu’à Salamine, au
lieu que ces Barbares, dont la plupart ne favoient pas nager -, perifloient tous.
Après, que ces premiers navires qui faiioient front eurent été mis en fuite ;
ceux qui étoient derrière voulant faire montre de leur courage , & plaire ait
Roi qui les voioit combattre , avancèrent potir aller fondre furies vaiifeaux
dés'Grecs ; mais iis rencontraient en allant. ces premiers vaifleaux .qui s’em.
fuioient & fe mêloient avec eux, ce qui fit une confuïronécrange. Dans cet
embarras quelques Phéniciens, donc les vaifleaux avoieàc été fracaflez , &
-qui s’étoient làuvéz en abordant fur le rivage , accuferent les Ioniens auprès
du Roi, & dirent que c’étoienc eux qui favoient trahi, & qui étoient la caufe
de la perte de tant de vaifleaux : mais il arriva un accident qui iauva les chefs
des Ioniens aufquels le Roi n’aùro'ic pas manqtié de faire un mauvais parti,
& qui fit que les Phéniciens portèrent la peine du talion : aù même tems qu’ils
parloientjiu Roi, un vaifleau Samothracien choqua rudement un navire Athe-
Arte’mifîa paraV'îc. Afttônfulto in hanc potins quam
in aliquam navem impegeric, quia curhDamaflthymo
in Hellèfponto Artemiua concentionem aliquam ha-
buiflet an Veto in earn cafu , non confilio incidifler,
id piorfus ignorabatur. Ut uc eft , duplex irideemo-
lumentum Artemifîa conlequùta eft ; primum fuie ,
quod dux ille Athenienfis , qui Artèmifiam infeque-
batur , cum vidiflec ab ejus nave hoftilëm triremem
demerfam fuifle, vel græcani fuorum navem efle
vcl aliam qu£ ad Græcos defeciflet efle putans ,
ad alias infequendas impugnandafque naves proram
convertit > fecundum emolumentum fu it, quod
rex Xèrxes, qui pugnantes clafles ex monte anxius
conlpiciebat ■, a quodam, atqilcut credèreeft, Àrre-
mi fix amico, monitus his verbis fuerit : Cernis Artemi
fi am, Domine, ut bene prxlietur, & ut navem ho-
ftilcm demerferic : percontante autem rege num vere
Artemifiæ navis cflcrjlle vere efle refpondît, &c feinfi-
gne ejus nofledixit : illud vero dixit exiftimans navem
demerfam adverfariorum efle s inter ea quxprofpcre
Artemifiæ ceflerunt, illud quoque accelfit, quod ex
nave Calyndienfi nemo fupereïfet, qui cam ineufaret :
unde Xerxëm Eêrunt dixifle', viros oui pro fe pugnâ-
rent muliëres faeftos efle, & muliéres viros. In eô
prxliô cum alii multi illuftres viri tàm Perfarum Me-
do’rurnque quam aliorum fociorum occubuere j turn
vero dux Ariabignés Darii filius Xerxifque fratër. E
Græcis pauci periere, quippe qui gnarinataadi, ubi
fuæ naves corruptæ erànt} fi non ipfi in pugna inter-
fe<£ti eflent, àd Salaminem enatabant, eu jus rei quia
imperiti erant barbarorum plerique, in mari periere*
Pofteaquam eôrum primæ naves în fugam verfas
funt , turn vero plurimæ corrumpèbantur ; nam qu£
in 'pôfterioribus locatæ erant,dum earum propugna-
torès conarentur ad hoftes accedere, ut aliquam in
confpe&u regis opèram navarent, undique in fuorum
naves incidebant. Quo in tumultu hoc etiam aûura
eft, ut quidam Phceni'ces quorum naves perfraeftx
fuerant, regem adeuntes Ionas infimulan?nt tamquam
proditores , quorum opera nave's periiflent. Sed res
tum accidit , quai Ionibüs falutém Phoenicibufque
eam perniciem attulit, quam ipfi aliis inferre voluc-
rant : etenim illis adhuc regem alloquentibus, navis
Samothracia in Atticarn impingens ipfam demerfit à