
11. Voilà une vive image d’un combat naVal. Les tours dont Vegece parle
étoient fort en ufage chez- les Romains: les dotes, dit Pline, fe lervent de
tours pour combattre for mer , comme fur les murailles d une ville. On met-
toic quelquefois, dit Pollux, deux tours fur un navire, 1 une a droite & 1 autre
à gauche : Appien met aulli deux tours, l une âla proue, & 1 autre a la poup-
pe. On verra dans la fuite que ces tours fe mettoierit non feulement a la proue
& à la pouppe, mais auffi fur les cotez , & même au centre du navire.-
IÏ1 Ces tours ne fe faifoient que lorfqu’on alloit donner le combat : elles
auroient e'té trop incommodes | fie auroient empêche' le vaiffeau d aller, fi
elles y avoient été pendant tout le tems de la navigation. Voilà pourquoi
ils avoient des planches & tous les matériaux neceffaires pour élever ces
tours en fort peu de tems : on les fait, dit Servius, tout d un coup avec des
planches , lorfqu’on en vient au combat : &c on les oppofe aux ennemis, qui
ne les avoient pas prévues. Le même Seryius dit que ces tours faites fui les
vaifleaux tout d’un coup, étoient de 1 invention d Agrippa j mais cela ne peut
être vrai, à moins que Servius ne 1 entende feulement de la maniéré d eiever
ces tours tout d’un coup, ou dans un fort petit efpace de tems. On a certainement
mis des tours fur les vaifleaux avant ces tems-ia : Cefar en paile
clairement en fon troifiéme livre de la guerre civile. « L autre navire, dit-il,
» qu’Acilius avoit mis là pour faire la garde , fut attaque parplufieurs vaif-
» féaux, où Cneius Pompée avoit fait des tours, & combattant ainfi des lieux
» élevez, il remporta facilement la vidtoire. » Les tours dont parle Tite-Live,
»étoient des machines pour prendre les places : « On joignit, dit i l , deux
» quinqueremes l’une à l’autre, en ôtant tous les rameurs qui etoient entre
» deux, afin que les navires puffent s entretoucher : les rames extérieures
» faifoient aller les fieux navires, qui portoient fies tours & d autres machines
» pour battre les murs. » Thucydide fait mention d un navire que les Athéniens
avoient au fiegefie Syracufe, muni de tours & de remparts.
Au combat naval que nous donnerons plus bas 3 les tours qui font fort
hautes font toutes pofées fur le pont & au milieu du vaiffeau : elles font
munies de créneaux, & quelques-unes font à plufieurs etages. Il falloit une
grande adreffe ôc beaucoup d'exercice pour dreffer en peu de tems de fi granI
I. En pugnæ navalis vividam imaginem. Turres
innavibus pofitæ, de quibus Vegetiusagit, in ufu fre-
quend eranc apud Romanos : Armât a claff*.s, inquit
Plinius 3 z. i . ïmponunt fibi turrium propugnacula, ut
in mari quoque pugnetur, velut e mûris : &C Pollux .
Exftruuntur etiam in navibus fingularia quadam tabu-
lata, ambus dua imponuntur turricula, dexter a G7* fini-
ftra. Ad duo latera turres fuifle pofiras fignificare vi-
detur cum dicit dextera & finiftra > verum Appianus
lib. 5. in prora & in puppi fuifle dicit. At ex fequen-
tibus non in prora tantum & in puppi , fed etiam in
lateribus tabulatorum atque etiam in centro navis
turres fuifle liquebit.
I l l like vero turres tune tantum erigebantur cum
pugnandum erat ; nam fi toto navigationis tempore
ered* fuiflent, magnum fane peperiffent incommo-
dum, neque enim facile fuiflet cum tanta ipfaque
ereda mole navem infludibus agere •, atque ideo trabes
, ligna & aflet es parata habebant, fingulis ad
turrium conftrudionem aptatis, utbreviflimo tempore
póffent inftante pugna turres hujufmodi exædifica-
re , ut ait clarc Servius ad hune Virgilii verfum.
Tanta mole vin turritis puppibus infiant.
De tabulis, inquit, fubsto eriguntur, fimul ac ventum
eft in pralswm , turres hoftibus improvif a. Ait idem
Servius eodem loco Agrippam primum hoc genus turrium
inveniiïe , ut de tabulis iubito erigerentur. Id
vero falfum omnino eflet, ni fi forte de extemporanea
ilia turrium eredione intelligatur -, Cæfar quippe naves
turritas commémorât lib. 3. debello civili. Alteram,
inquit, navem, qua erat ad eufiodiam ab Aêilïo po•
fit a, pluribus aggreffus navibus, in quibus ad libram fe-
cerat turres , ut ex fuperiori pugnans loco , facile vicit.
Titus etiam Livius turritas naves commémorât lib.
24. cap. 34. fed qua: ad obfidionem apparat* client :
J un fil a , inquit , bina quinqueremes, demtis interiori-
bus remis *, lit latus Uteri applicantur cumextenore or-
dine remorum veldt naves agerentur, turres contabula-
tas machin ament aque alia , quatiendis mûris portabant.
Thucydides lib. 7. pag. 500. navim commémorât
Athenienfiuminobfidione Syracufarum ,q u * turri-
bus & propugnaculîs muniebatur.
In navali pugna quam infra proferimus , turres
pnealt* funt, omnefquc fupra tabulatum atque in um-
bilico navis pofit* : funt autem ill* inftar turrium la-
pidearum pinnis & prôpugnaculis munit*,.atque non-
null* pluribus contignationibus inftrud* funt. Non-
nifi fummo artificio diütUrnoque ufu poterant tant»
des machines ; car il y a apparence qu'on ne les élevoit que pour les combats
, quelques grandes qu’elles paroiflent. Un navire auroit eu bien de la
peine a naviger longcems avec ces énormes machines. Les navires qui com-
pofoientla flotte de Marc Antoine avoient de ces tours.
moles ex tempore erigi atque firmari : nam quod & fecare flu&ufque diu pérmeare potuiflet, fi tam altas
Servius fupra diccbat, verifimile prorfus eft eas ad geflîflet machinas , qu* fane navis curfum inter-
pugnam tantum apparatas fuifle , quantumvis etiam turbaflent, In Marci Antonii clafle hujufmodi tur-
magnæ fublimefque videantur 5 nam vix navis undas rcs , ut alibi dicimus , vifebantur.
C H A P I T R E III.
I. Le Dauphin, machine de guerre pour les vaijjeaux. 11. Lits des rameurs &
des gens de mer. I II. Les rames. IV. Les 'voiles.
I. T Es anciens avoient aufli des machines qu’ils appelloient dauphins,
g _>parce quelles avoient la forme d’un dauphin , le dauphin étoit en
ufage chez les Grecs , félon Suidas & félon le Scholiafte d’Ariftophane : on le
fulpendoit à la vergue , d’où on le jettoit dans le vaiffeau des ennemis ; Si
comme il étoit fort gros &fort pefant, il perçoit les vaiffeaux & les failoic
couler à fond. Il paroit avoir été fort en ufage, & il n’y avoit que les Grecs
qui s’en ferviflent.
II. Ce qui efl à remarquer, c’efl: que les rameurs n’avoient pas d’autre
lit que les bancs mêmes fur lefquels ils fe tenoienc pour ramer , les foldats
couchoient de même fur des bancs. Virgile le dit clairement des rameurs. Les
Commandans & les principaux capitaines avoient des matelats qu’ils éten-
doient fur le bois pourfe coucher. On accufa Alcibiade de trop de moIefTe ,
parce qu’il setoit fait faire un lit fufpendu fur des bandes , à peu pre's comme
font dans nos vaifleaux ces lits qu’on appelle branles.
III. Les rames qui s'appelaient en latin remi, & tonfoe chez les poetes ,
étoient liées à une grofle cheville, qu’on appelloic en latin Jcalmm. Il y
en a qui croient qu’on couvroit les rames d’airain pour les rendre plus fortes.
Ce que nous venons de dire n’étoit pas toujours uniforme ; outre cela , les
ufages changeoient ; & ce qui fe faifoit dans un tems ne fe faifoit pas toujours
dans un autre.
C A P U T 111.
ƒ . JDelphinus machina bellica navium. I I. Quo
leBo uterentur remises ahique nautæ. Ill.Re-
mi. IV . Vela navium.
I. T T Eteres etiam machinas quafdam habuere, V quas vocabant del phinos, quia videlicet del-
phinomm forma fabrefafi* erant. Erat delphinus
apud Græcos machina bellica , fecundum Suidam in
voce Ag*©.* , & fecundum Ariftophanis Scholiaften,
quam antennæ navis fufpendebant, ut inde in hoftilem
navem conjiceretur : quoniam vero magn* molis gra-
vilfimufque erat, navem hoftilem perfringebat demer-
gebarque. Non frequentis ufus lui (Te videtur , 6c
apud Græcos tantum memorarus deprehenditur.
II. Quod autem memoratu dignum, remiges nulla
alio lcóto vel cubili urebantur , quam ipfo in quo re-
migabant fcamno : milites quoque in fcamnis decumbebant
î id vero Virgilius de remigibus dicit.
Æneid.
— 1 Placida Uxarunt membra quitte
Sub remis »fufi per dura fedilia nautre.
Duces autem atque clafliarii præfeâii in ip fis tabulis
pofita ftrata & culcitras ut plurimum habebant, ideo-
que Alcibiadi vitio datum fu it, quod ledum fafcils
lufpenfum haberet in navi , ut ait Plutarchus in vita
Alcibiadis : erat igitur Alcibiadis ledus eo modo
concinnatus quo lcdi militum hodiernorum claflia-
riorum, quos ledos branles vocant.
III. Remi qui apud Poeras frequenti ufu tonfæ
vocantur , in magno clavo ad oram navis defixo,
quern fealmum vocant, aflerebantur ne loco move-
rentur. Non défunt qui dicanc remos *re olim oper-
tos fuifle, quo firmiores effent. H*cporro qu* fupe-
rius obfervavimus , non immurabilis ufus fuifle pu-
tandum eft.