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leurs caractères pour les diftinguer. Je vais rappeler
des faits connus depuis long-temps, mais
néceffiires pour l'intelligence de ce que je me pro-
pofe d’y ajouter.
Le phénomène le plus remarquable eft celui qui a
lieu au premier développement d'une plante. Dès
que l'embryon a reçu le mouvement vital, il fort
du collet ou noeud vital deux parties effentielles
qui fe fraient, dans leur développement, deux
routes diamétralement oppofées, & fe prolongent
dans deux milieux différens : l'une s’élève dans
l'air & forme la .tige afcendante j l'autre s'enfonce
dans la terre & produit la tige descendante ou h ra-
cine. Je ne ferai' point ici l'énumération de leurs
directions droites, obliques, horizontales; elles
font toutes connues, ainfi que celles des branches,
des rameaux, des feuilles, & autres parties des
plantes ; mais j’ effaierai, d'après les faits que nous
offrent les différentes directions., d'en aflîgner au
pîpins les caufes extérieures.
Cette direction a une fin déterminée qu'il eft
impoffible de méconnoître : c’eft celle de placer
les plantes dans la polïtion la plus favorable pour
abforber les principes qui doivent les nourrir. Quoiqu'il
foie évident que la fource des principes alimentaires
des plantes fe trouve dans l'eau, dans
l'air, dans le fein de la terre, dans la chaleur, la
lumière, ainfi que dans plûfieurs fluides élaftiques,
il elt auffi bien reconnu que le même air, la
même quantité d'eau, le même degré de chaleur,
la même terre, ne conviennent point à toutes;
qu'il eft de plus très-probable que leurs organes
ne font pas tous deftinés à abforber rigoureufement
les mêmes principes 5 que ceux qui le font par les
racines ne pourroient pas l'être par les feuilles, &
vice verfâ} & c.j il fuit de-là que les plantes dirigent
dans deux milieux différens leur tige afeendante
ou defeendante; que la tige defeendante ou les
racines prennent la forme ou les divîfions les plus
favorables, pour que,, félon la nature de chaque
végétal, elles pujffent parvenir à la fource de leurs
alimens : il en eft de même des tiges & de la dif-
pofition de leurs rameaux, ainfi que de celle des
feuilles.
Ici fe préfente une queftion phyfiologique très-
mtéreffan.te, & que je n’ai encore vue traitée par
aucun auteur. Il eft bien certain qu'il n'exifte dans
les plantes aucun mouvement exécuté par une
volonté fpéciale, que cet aCie de vitalité-n'appar- {
tient qu'aux êtres fenfibles; la direction de leurs
mouvemens eft donc purement phyfique, 8c la nature
doit avoir fuppléé.en elles par d'autres moyens,
à cette volonté qui guide les animaux vers les
objets deftinés à les nourrir : ils. les diftinguent
par la vue, l'odorat &f le goût. Ces moyens font
refufés aux plantes 5 elles n'ontjdonc que le mouvement
de direction deJeurs différentes.parties ; ce
mouvement n'étant point déterminé par la volonté*
doit l’être par une, «utr^c&ufe.
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J Quelle efl cette caufe ? Elle ne peut fe trouver,
I félon moi, que dans l’impreffion des principes alimentaires,
fur les organes des plantes qui les attirent'
à eux & les forcent à fe diriger vers les lieux où
ils font le plus abondans; c'eft une forte d'attraâion
évidemment indiquée par un grand nombre défaits.
Je me bornerai à rappeler les fuivans.
Les racines fe dirigent conftammenr vers. le fein
de la terre, mais non pas toujours dans le même
fens : les unes s’enfoncent verticalement, d'autres
obliquement; d’autres s’étendent horizontalement
à falurface en longs jets flabeUiformés : il en eft
qui s'étalent en rofette, fans être ni traçantes ni
verticales; elles s’enfoncent peu, & ne veulent
• être recouvertes que d’une légère couche de terre :■
leur forme peut être due en partie à la tige qu'elles
ont à foutenir, & leur direction, plus ou moins
profonde, à la nature des fucs qui doivent les nourrir,
& qui fe trouvent, foit à la furface de la terre,
foit pius avant dans Ton fein.
Ces directions ne font confiantes qu’autant que
les. racines n’éprouvent point d’obftacles, on
qu'elles ne font point obligées de chercher ailleurs
les alimens qui leur conviennent. C ’eft un fait connu
depuis long-temps, qu'une plante liée dans un terrain
de médiocre qualité, fi non loin de là fe trouve
une terre qui lui foit plus convenable, alors les
racines, abandonnant leur direction naturelle, fe
dirigent vers-Je terrain de meilleure qualité : fou-
vent même, pour y arriver, elles furmontent tous
les obftacles, fe fraient, avec le temps, un paf-
-fage à-travers les murs, fe gliffem entre les fentes
des rochers ou les lits pierreux quelles rencontrent,
& , à la longue, fendent les rochers, percent
le tuf & renverfent les murs les plus folides. D’où
vient cette déviation, ces efforts continus contre
les obftacles, finon de cette attraflion puilfante
qu’exercent fur les racines les fucs nutritifs qu’elles
doivent abforber?
Si ces fucs étoient les mêmes pour toutes les
plantes, il eft très- probable qu’elles auroient toutes
la même direêtion ; mais cette variété que nous
avons remarquée dans les racines, fe-retrouve également
dans les tiges. La plupart font droites, ‘
ayant leur-fommet dirigé vers le ciel ; il en eft cependant
d’ihelinées, de courbées fur la terre ; d’autres
ne s’élèvent qu’en s’entortillant autour des
autres plantes qui leur fervent d'appui, ou rampent
fur la terre lorfqu’elles ne trouvent point de fou-
tien : il en eft qui s’accrochent à d’autres corps,
foit par leurs vrilles, foit par les petites tacines qui
fortent de Ieursarticulations.il ferait très-difficile,
fans douté, de rendre raifon de ces différentes di-
reêtions ; je ne doute point que la plupart ne foiehc
relatives ou au mode d’abforption, ou à la nature
des fluides qu’elles doivent abforber. On peut donc
préfumer raifonnablementqne les végétaux à tiges
rampantes ont befoin des vapeurs, les plus groffières.
qui s'élèvent .à peine à la furface du fein de
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h terre ; que les autre s , fe trouvant mieux d’un air
plus léger , s’élèvent dans l’atm'ofphère & font attirées
dans un milieu plus raréfié. Il en $ft de même
des plantes pourvues de vrilles ou de crochets, &
qui ont befoin d’un appui : elles ne le recherchent
bien certainement que par quelques caufes particulières
qui les met dans une pofition plus favorable
pour recevoir les fucs alimentaires.'On ne peut attribuer
cette manière d'être àlafoibleffe des tiges,
puifqu'il en eft de beaucoup, plus délicates, de
tendres, d'herbacées, qui cependant prennent 8c
confervent toute leur vie une pofition droite 8c
verticale, fans avoir befoin de foutien, tandis qu’un
nombre de plantes à tiges très-dures, même li-
gneufes, rampent ou s’entortillent autour des corps
qui les avoifinent. A la vérité elles font fôuples,
pliantes, ou pourvues de vrilles ; mais on [Conçoit
que ce mode d'organifation leur étoit nécefiaire
pour la direction qui leur étoit aflîgnée par i mature.
Le mouvement de leur direction eft tellement déterminé
par les corps voifins, que lor fqu’une de ces
plantes eft ifolée & qu'il n'exifte pour elle qu’un
feul appui dans fon voifinage, fes tiges fe dirigent
çonftamment vers lui, phénomène très-remarquable,
& que j ’ai obfervé bien fouvent dans la nature.
Le même phénomène exifte pour les vrilles rtoutes
fe dirigent vers les corps qui peuvent les recevoir,
& dans un fens oppofé à la face de la plante qui eft
frappée par la lumière; elir s varient dé direéïion
autant de fois que l’on déplace les corps opaques
qu’elles recherchent : fi elles ne peuvent les faifir,
elles fe coui bent par degrés vers la terre, & fe roulent
autour de la tige même de la plante, en une
fpirale dont les circonvolutions fe font en deux
(ens différens, félon les efpècês, ainfi qu’il arrive
aux tiges farmenteufes, dans les unes de droite
a gauche, dans d'autres de gauche à droite. Dans
la vigne, les vrilles offrent en même temps cette
double direction, ainfi que Duhamel l'a obfervé le
premier. Ces vrilles fe divifent en deux parties ;
fouvent l’une eft roulée en un fens* l'autre en un
autre, ce qui "arrive principalement lorfqü'une
branche, un échalas ou un farment folide fe trou-
ve par hafard placé dans la bifurcation d'une
vrille.
Les tiges farmenteufes, lorfqu’elles manquent
de foutien, fe roulent les unes fur les autres. Cet
appui, quelles^ fe prêtent réciproquement, leur
donne la faculté de s’élever perpendiculairement,
acquérant, parleur réunion,-la force qui leurman-
quoit lorfqu’elles étoient ifolées.
L'anomalie que nous avons remarquée dans la
direction des racines Ce retrouve auffi également
dans les tiges. Le befoin habituel qu’elles ont de
1 air & de la lumière, leur fait fouvent abandonner
leur direction naturelle pour fe procurer la jouif-
fance de ces deux élémens. Sont-elles placées dans
un heu obfcur où le foleil ne pénètre que par des
ouvertures particulières, 011 voit les tiges, les irai
t o u ig
meaux abandonner, s’il eft néceffaire, leur pofition
verticale, s’incliner dans le fens. convenable
pour aller chercher les rayons lumineux
dans le lieu où ils tombent : fi elles font privées
d’air, -étouffées, trop preffées par les autres plantes,
elles cherchent à les dominer, s’alongent
outre mefure, ou bien elles fe dirigent obliquement
ou en tout autre fens vers la partie où l’air
leur parvient. Les circonftances locales déterminent
leurs mouvemens; mais toutes ces directions,
forcées & contre nature, altèrent les plantes , y
' occafionnent des difformités, & fouvent L-s font
| périr.
_ Dans rout autre cas, c’eft-à-dire, lorfque les
tiges fe trouvent en liberté dans le milieu qui leur
convient, on ne peut parvenir à changer leur direction
que par . la contrainte : il faut qu’elles y
feient foumifes par les liens de l’efclavage. Si l’oeil
du cultivateur les abandonne, fi leurs liens viennent
à fe-rompre, leurs efforts tendent auliitôt à
reprendre leur direction naturelle.
D’après ces faits, ce n’eft donc point fans fondement
que j’ai ofé, un peu plus haut, établir en
principe, qu’il exiftoit entre les principes alimentaires
des plantes & celles-ci une forte d'attraCtion
qui déterminoic leur direction 8c la rendoit variable
félon les circonftances.
Les principes que je viens'd’expofer pour la direction
des tiges font également applicables aux
branches & aux rameaux; mais il faut y ajouter
une autre caufe déterminante dont je n’ai point
: encore parle ; c’eft celle de la fituation des feuilles
que les rameaux font chargés de foutenir : celles-
ci, en étendant leur furface par leur expanfion,
abforbent une bien plus grande quantité de vapeurs
nutritives; auffi la végétation n’eft-elle jamais
plus brillante que lorfque les plantes font couvertes
de feuilles, 8c celles-ci jamais plus vigou-
reüfes que loriqu’elles fe trouvent dans la pofition
la plus favorable pour remplir leurs fondions. Ces
fondions confident à abforber les fluides aÜmen-'
taires & à en rendre le fuperflu. Les feuilles ont
deux fur fa ce s tres-fouvent d’une apparence diffé-
rente, 8c par confequent cieftinées a des fondions
dmerentes, La furface fupérieure eft plus ordina re-
ment ferme, fèche, très-lrffe, fouvent luifante,
peu garnie de pores corticaux ; frappée par le fo-
léi1 , elle s'imbibe de lumière 8c de calorique : la
lurrace inférieure, au contraire, eft plus molle,
d une couleur plus fombre, a {fez fouvent velue &
plus garnie de pores corticaux; tournée vers la
terre, elle en abforbe en abondance les vapeurs hu-
mides. Cette pofition eft tellement néceffaire aux
feuilles, ^ue, fi on les retourne, elles reprennent
d elles-meme s leur fituation naturelle, ou périf-
fent en peu de temps, lorfqu’on les tient forcément
hors de leur pofition naturelle. Nous les voyons
tellement rangées le long des branches & des ra-
J meaux, que leur pofition leur permet de jouir de