Ne sait-on pas également aujourd’hui que les
soui-mangas asiatiques, vrais représentans dans
l’ancien continent des colibris et des oiseaux-
mouches du Nouveau-Mon de, ne sont point réduits
aux sucs nectarifères, mais qu’il y en a des
espèces qui recherchent exclusivement les araignées,
et qui s’éloignent ainsi par ce genre de
vie des moeurs départies au plus grand nombre
d’entre elles. Cependant tous les oiseaux-mouches
des régions intertropicales vivent sans nul doute,
et presque exclusivement, de miellats puisés au
sein des corolles, tandis que les espèces qui s’avancent
par de hautes latitudes dans le sud ne
peuvent, tout en butinant dans la belle saison
sur les fleurs, ne pas rechercher les moucherons
et les petits insectes qu’elles y trouvent. Le naturaliste
espagnol d’Azara a positivement remarqué
que des oiseaux-mouches séjournent encore dans
le Paraguay et sur les bords de la Plata, lorsque
la campagne est dépouillée depuis long-temps de
plantes, et à une époque où celles-ci ne pourraient
point leur offrir de sucs miellés, et que
quelques uns de ces volatiles, fixés toute l’année
dans cette contrée, où les hivers, sans être rigoureux
, arrêtent cependant la végétation, visitent
les toiles d’araignées ; ce qui le porte à croire
qu’ils s’en nourrissent1. Mais ce que d’Azara n’a
' D’Azara dit que le père Franeois-Isidore Guerra, homme très
émis que comme un doute qùi lui paraissait devoir
être attaqué par les naturalistes du continent
imbus d’une opinion contraire, est un fait
qui s’explique de lui-même, et qui rend encore
plus probable ce que l’on sait de certains soui-
mangas de l’île de Java. Badier, établi à Cayenne,,
avait nié que les oiseaux-mouches pussent se
nourrir de sucs miellés, et le premier il affirma
qu’ils vivaient d’insectes. Mais le tort de Badier
fut de soutenir son opinion sans faire de concession,
et de tirer d’un ou de quelques faits partiels
une conclusion positive et sans restriction : aussi
fut-il combattu avec chaleur par Buffon.
La langue des oiseaux-mouches est destinée,
par un mécanisme dont on ne retrouve une imitation
que chez les pics, à être dardée hors du
bec par un vif mouvement de l’os hyoïde, comparable
à celui d’un ressort qu’une détente fait
partir. Cette langue est très longue, et peut sortir
à une assez grande distance hors du bec ; elle est
composée de deux cylindres musculo - fibreux
soudés l’un à l’autre dans la plus grande portion
de leur continuité, et séparés vers la pointe de la
langue, de manière que les deux tubes légèrement
renflés vers cette partie s’écartent l’un de
l’autre, et présentent chacun une lamette concave
digne de foi, ayant nourri des picaflores ou bec-fleurs, lui a plusieurs
fois assuré qu’il les avait vus manger des araignées.