H I S T O I R E N A T U R E L LE
sine , vulgairement nommée double—bécassine , la bécassine proprement
dite, et la petite bécassine ou bécasseau, nommée par tous les chasseurs
bécassine sourde : or ces trois oiseaux ont certainement dix fois plus
de rapport entre eux que nos deux jacamars : mais connue ils vivent chez
nous, et que nous sommes plus à portée de les observer que des oiseaux
étrangers, on a remarqué que leur vol, leur cri et leur allure étoient
tout différents ; ce qui a prouvé leur différence spécifique. Il faut donc
attendre, ainsi que je l'ai dit plus haut, qu'on nous ait donné des renseignemens
positifs plus étendus sur ces jacamars à queue rousse, avant
de prononcer s'ils forment une espece distincte ou s'ils ne sont qu'une
variété du jacamar proprement dit; il le faut avec d'autant plus de raison
que les jacamars à queue rousse sont très-rares dans nos collections
d'Europe; du moins n'en ai-je vu que trois dans les nombreuses pacotilles
d'oiseaux expédiées de la Guyane.
Sonnini, dans une note au sujet du jacamar proprement dit, et où il
parle de celui à queue rousse comme d'une variété, quoiqu'il ne l'ait
peut-être jamais vu, observe que les jacamars ont la queue plus ou moins
longue : erreur qu'il met là en avant seulement pour appuyer son assertion
de l'identité des jacamars proprement dits , et de ceux à queue rousse. Il
est certain que c'est dans le seul cas où des individus jacamars et même
tous autres oiseaux se trouvent pris au moment de la mue, avant que
les plumes aient acquis tout leur développement , qu'on remarque des
différences sensibles dans la longueur des queues, lorsqu'on compare ces
oiseaux à d'autres individus de leurs especes qui ne sont point dans le
même cas. La cause de ces différences est trop naturelle et trop facile à
reconnaître pour qu'il soit nécessaire de s'y arrêter; mais nous dirons
que ce n'est pas la preiniere fois que des différences accidentelles ont
servi de base aux jugements vagues et incertains des naturalistes ; et à
l'égard des jacamars à queue rousse, si nous ne préjugeons rien sur leur
identité ou diversité d'espece avec les jacamars proprement dits dont nous
avons montré les variétés d'âge et de sexe, variations naturelles dans
lesquelles la queue est toujours la même par son étagement et sa couleur
uniformément verd-doré, on conviendra au moins qu'il y a plus d'apparence
que ces oiseaux forment deux especes. Avouons cependant que, si
par la suite il ne se trouve une race particulière de jacamars à queue
rousse se perpétuant ainsi, il seroit indubitable qu'ils ne seroienl qu'une
variété du jacamar proprement dit, dont ils nous présenteroient peutêtre
l'extrême vieillesse, c'est-à-dire, des individus de î'espece tombés dans
un tel état de foiblesse que, la matiere colorante étant en partie épuisée
et ayant perdu de sa vigueur, n'auroit pu abonder également par-tout,
et auroit laissé rousses les plumes qu'elle n'auroit pu pénétrer: il suivroit
de là que le roux forineroit la base du plumage doré du jacamar;
DES J A C A M A R S.
mais la cause qui auroit produit une si grande différence dans l'étagement
de la queue dans le vieil âge, je ne la devine pas , puisque c'est le
seul exemple de cette nature qui jusqu'ici se seroit présenté à mes observations.