balancent pas à établir des cspeces d'après ces différences : ce qui n'arriveroit
pas si le savant qui veut écrire connoissoit l'oiseau dont il veut
parler; car, quelque imparfaites que soient les descriptions d'un auteur
qui a vu en nature, on reconnoit toujours, en ayant égard à sa maniéré,
les objets qu'il a décrits.
Le barbu à collier rouge habite différentes contrées de l'Inde : on le
trouve à Ceylan, à Java, aux Philippines, etc. J'ai vu plus de trente individus
de l'espece provenants de ces isles, et absolument semblables entre
eux. Cependant, lorsqu'ils ont vieilli dans les collections, ou qu'on les a
mal préparés, ces oiseaux différent quelquefois sensiblement les uns des
autres; le rouge pâlit, le verd brunit, jaunit, blanchit; le jaune même
s'efface entièrement : de là les descriptions diverses, et les erreurs sans
nombre qu'elles occasionnent, par les raisons que j'ai dites plus haut, et
qu'il me seroit pénible de répéter.
Brown, dans ses nouvelles Illustrations de Zoologie, page 29, pl. 14, a
décrit d'une maniéré imparfaite notre barbu à collier rouge. Aussi les méthodistes
n'ont pas manqué d'établir, d'après cette description de Brown
et la mauvaise figure que cet auteur a donnée de l'oiseau, une espece toute
différente de celle du barbu à collier rouge ; espece chimérique dont
Sonnini a fait son barbu à couronne rouge. Le bassenbuddo de Sonnini,
donné par Latham d'après un dessin trouvé dans une collection de peintures
, nous paroit être aussi le même oiseau, quoiqu'on nous dise qu'il
a la tête noire; ce qui dans un dessin peut avoir dépendu de la position
du sujet, puisque sous tel jour le verd sombre paroît plus ou moins noir.
Cette seule raison devroit nous faire rejeter toutes les descriptions faites
sur des dessins. Je me suis déjà élevé contre le dangereux usage d'admettre
dans un ouvrage d'histoire naturelle des especes qu'on n'a vues
qu'en peinture : que seroit-ce si nous n'avions aucune preuve des talents
et de l'exactitude du peintre? Je sens parfaitement avec quel avantage 011
pourroit aujourd'hui me contester la justesse de ces remarques ; mais
avec le temps, lorsque les naturalistes auront vu qu'aucune de toutes ces
especes nominales d'oiseaux dont on encombre la science ne s'est présentée
à eux, on sera, j'espere, forcé de reconnoitre la vérité.