
14» LETTRÉ SUR UN ELEPHANT
de vous ennuier , en ajoutant quelques réflexions
fur la quantité confldérable d’offemens de divers
animaux terreftres , en particulier d’éléphants,
qu’on a trouvés en différens tems, & en divers endroits
d’Allemagne, d’Italie, de Suiflè, de France
, des Pays-bas, d’Irlande, de quelques lieux du
Nord, & lur-tout de la Sibérie, 8c même de l’Amérique
Septentrionale ; mais avant cela , il ne
fera pas mal à propos d’obferver en paffant, que
l’énorme grandeur des offemens qu’on découvre
en Sibérie, 8c la recourbure des défenfes qui les
accompagnent, & qui ont fait douter à M. de
Strahlenberg fi cetoient des os 8c des défenfes d’é-
léphans, parce que ces os lui paroiflènt beaucoup
trop grands, & les défenfes trop recourbées, font
précifément deux marques diflinélives qui prouvent
ce dont cet habile Ecrivain doute.
En effet, perfonne n’ignore que l’éléphant eftle
plus grand &le plus gros animal terreftre, 8c que
par conféquent, fes os doivent être d’une grandeur
énorme, comparés à ceux_des autres animaux
terreftres. On fçait auffi qu’il n’y a que l’éléphant
qui ait de groflès 8c longues défenfes recourbées ;
mais peut-être tout le monde ne fçait pas que les
défenfes des plusgrands & des plus vieux éléphans
font beaucoup plus recourbées que celles des jeunes.
C eft ce que M. de S tra h len b erg a ignoré, 8c
c’eft ce que j’ai appris à Venîfe , y ayant vu des
défenfes de prefque tout âge depuis celles d’un
pied jufqu’à. une d’environ fept à huit, qui étoit
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expofée chaque jour ouvrier à côté de la bernique
d’un Marchand qui faifeit travailler à divers ouvrages
d’yvoire.* Peut-être l’y voit-on encore à
préiènt. Il ne s’agit pas ici de rechercher la raifon
phifique de la plus grande reccurbure des plus
grandes défenfes, ilfuffit que la chofè foit certaine.
J’ai fait cette remarque pour prévenir l’objection
qu’on auroit pu tirer de Strahlenberg.
Je reviens à mes réflexions. La première concerne
la nature des lits qui ont envelopé les ofle-
mens dont j’ai fait mention. Ils font ordinairement
d’une efpéce de terre marneufe & calcinée ; d’autres
font d’une efpéce de roc, nommé pierre à
chaux ; un flic bitumineux forme fouvent fur ces
os 8c fur l’yvoire en particulier des figures de petits
dentrites. Il y en a auffi où divers fùcs plus ou
moins colorés, ou pour dire mieux, plus ou moins
abondans , ont coloré le roc en tout ou en partie,.
de même que les os qu’ils renferment ; ce quifaït
que l’on en trouve de différentes couleurs plus ou
moins obfcures ; couleurs qui forment dans une
partie des défenfes des fquelettes de Sibérie, des
figures fort bizarres, comme dans les agates 8c les
marbres de Florence, qu’on appelle pietra citadina,
ou citadinejèa, parce que l’on y voit des montagnes
, des rochers, des Villes, des maifons-, des
clochers, des ruines , 8c mille autres fingularités.
Et comme il paroît, par ce qui a été dit dans la.
Lettre furies Poiffons pétrifiés, que ces animaux
ont été confèrvés dans des plaques de cette efpéce