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port de ces coquillages 8c de ces plantes marines
doivent être attribués à une caufe différente detou-
tes celles qu’on peut appeller ordinaires ou naturelles
; que cet effet eft infiniment lùpérieurà tout
ce que les marées les plus hautes, les tempêtes les
plus furieufes, les inondations particulières , les
tremblemens de terre, les fouievemens du fond
de la mer, ont jamais produit, ou peuvent être
capables d’opérer, 8c qu’ils ne fçauroient, ën un
mot, être expliqués que par une inondation générale
8c un bouleverfement entier furvenu dans la
croûte de notre Globe, &: qui fefoit même étendu
jufqu’à une profondeur confidérable.
Pour établir ces vérités, je confidérai le nombre
de ces, corps, l’état où nous les voyons, les
lieux où ils fe trouvent, 8c leur fituation dans la
place qu’ils occupent.
I. Le nombre de ces corps que j’âi prouvé être
originaires de la mer, eft prodigieux, & il s’en
trouve d’un grand nombre d’efpéces ;de force que
je n’héfite point à dire que le foin des mers qui ont
couvert une partie de notre Globe dès le commencement
a dû être épuifé, à moins qu’on ne
foppofe que la main féconde du Créateur avoir
produit par milliers les teftacëes 8c les cruftacées
de chaque efoéce, qui multiplièrent bientôt à l’infini
, éprouvant au plus haut point la vertu ^ l ’efficace
de cette Bénédiélion, Foif>me^ & multiplie^;,
Pour donner quelque idée de la multitude de ces
corps marins déplacé ? je dirai qu’il sen trouve à
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peu près dans tous les endroits connus de la Terre
ferme & dans les Ifles ; & qu’en un grand nombre
de lieux on en découvre des amas prodigieux.
L ’Auteur de l’Ejfai fur l’Hiftoire naturelle de la Terre,
après diverfes recherches, s’eft affuré que les autres
Pays n’étoient pas moins féconds en lollues
que l’Angleterre dont il avoit parcouru la pius
grande partie, & où il en avoit trouve à foifon.
Les découvertes qui ont été faites en Suide, 8c
principalement depuis que M. le Comte de Traut-
manfdorf, 8c M. Falkmier eurent pris goût pour
ces curiofités, s’accordent aufli parfaitement avec
ces obfervations. On a pu s en affiner par ce que
feu M. Scheuchxer a publié dans quelques volumes
: mais pour dire quelque choie de plus particulier
, j’affurerai mes Ledteurs qu ayant examine
avec un peu de foin, divers endroits de cette Principauté,
j’y ai découvert dans de petits elpaces es
milliers de coquillages. Le roc qui eft à deux pas
du chemin de Neuchâtel à Valarjgin, au haut de la
defcente du premier de ces endroits au fécond, 8c
où les trompettes marines 8c autres coquillages de
cette efpéce forment des figures en relief par milliers,
eft connu des Curieux depuis plufieurs années
; 8c chacun peut fe convaincre en creufant un
peu dans le déblai qui fe trouve au pied de ces
bancs de roc ou à une très-petite diftance, quon
pourront charger plufieurs chars de morceaux tout
parfemés de ces reliefs. Je puis aufli avancer lans
hyperbole que dans cet endroit de la grande Joux