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j’ai à ajoûterprouvera évidemment, ce me fèm-
bie que les eaux de la mer n’ont pas couvert peu à
peu, Sc fucceffivement notre Globe, comme quelques
uns prétendent que cela auroit pû le faire dans
une fuite de plufïeurs milliers de liécles.
La conftdération des diverfes efpéces de ces coquillages
Sc de ces plantes marines, nous conduit
à la même caufe, puifqu’on ne fcauroit rendre rai-
fon de.ce mélange par aucune des fiippolitions
aufquelles on a recours ; ou pour m’exprimer plus
clairement, on ne fçauroit expliquer par-là comment
des animaux Sc des plantes originaires de
certaines côtes fe trouvent enfevelis pèle mêle,
avec ceux qui ne naident que fur des côtes éloignées
i c’eft ainfi qu’en Angleterre Sc en Allemagne
on découvre fouvent dans des endroits très-
profonds beaucoup de coquillages de poifîons de
différentes efpéces , qu’on ne voit à préfent que
fur les côtes du Pérou, Sc dans d’autres parties de
l’Amérique.
I L L ’état où nous trouvons un grand nombre
de corps établit aufli bien folidement l ’hypothéfe
qui attribue leur tranfport au Déluge ; c’eft-à-di-
re , à une inondation qui ait pû élever, tenir fuf-
pendus Sc agiter ces corps fans les mettre tous en
pièces, & qui les ait dépofés enfùite dans les différentes
couches de la terre d’une manière qui pût
les conferver entiers au moins pour le plus grand
nombre. Par exemple : ceux d’entre les teftacées
qui ont naturellement peu d’épailfeur Sc les cruf-
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tacées qui font fi minces Sc fifragiles qu’une enve-
lope de cotton peut à peine les conferver entiers
dans des boëteslorfqu’on les tranfporte, auroient-
ils pû réfifter à toutes les fecouffes Sc aux différens
chocs qu’ils auroient dû infailliblement effuyer ,
s’ils n’avoient pas été enfevelis tout d’un coup
dans des terres détrempées, ou dans une matière
fluide? fur-tout ceux dont la ténuité eft telle que
le feul poids du fable qui les'auroit couvert les au-
roit écrafés. Et pour le remarquer en pafîànt, les
coquillages ou les envelopes de ces différens hé-
riffons feroient-ils entiers, fi les animaux qu’ils ren-
fermoient avoient fervi de pâture aux hommes ou
aux oifeaux ?
Il eft clair encore que les traits qui font gravés
ou empreints fur ces croûtes, Sc en particulier ceux
qui forment des reliefs, Sc qui font d une très-
grande délicatefle, fe feraient effacés Sc détruits,
fi ces cruftacées avoient été portées au rivage par
les vagues , Sc effuÿé le frottement de la matière
qui auroit été pouffée enfùite, ou fi demeurant à
découvert ils avoient été expofés longtems à l’air,
à la pluie & aux autres injures. On peut en juger
par l’état de ceux qui tout pétrifiés qu’ils étoient,
ont fouffert une telle altération qu’ils font à peine
connoiflàbles.
Il faut aufîi avoir égard à la matière qui fait
corps avec ces cruftacées foiïiles, qui en remplit
exaélement la capacité au moins du plus grand
nombre, Sc qui eft toûjours femblabl'e à celle des
couches.