
68 LETTRE SUR L’ORIGINE
qui arrange la matière des coquillages d une leule
elpéce : Tout de même qu’un aveugle né pourrait
former mille ôc mille traits fur le papier , fans
qu aucun d’eux refemblât parfaitement à une lettre
hébraïque, ou crayonner des milliers de têtes,
fens qü aucune eût la relfemblance de celle qu’il
aurait delfein de delf ner d’après nature.
Je remarque en troifiéme lieu, que comme on
ne perfiadera jamais à un Naturalifte Phyficien
qu un fimple vermiffeau ou le plus vil des, infeéles,
puifè naître,, comme le vulgaire fe l ’imagine , de
la putrefaélion , ou de quelque matière que ce foit,
a moins qu’elle ne renferme un oeuf de i’efpéce ; il
ne pourra jamais, non plus, parles mêmes principes,
fe perfeader que des coquillages qui fe forment
fer des corps marins, ôc qui croilfent à me-
fere que ces corps groffilient, puilfent fe former
feparément de ces animaux & dans une matière
ou on ne feppofepas même qu’il y-ait une partie
féminale de l’animal ou de l ’efpéce. Auffi M. Lang
qui a fenti ce qu’il y avoit d’abferde à attribuer à
un fec pétrifiant feul, ou à une fimple végétation
la produélion des coquillages, y fait-il intervenir
lesfem in ia des animaux marins, Sc il met encore
de la-partie une manière de nature pUfirque.
J avancerai donc hardiment ici que les coquillages
folîïles, quelque part qu’ils ayent été formés,
font provenus des oeufs ou Ipermes des animaux
marins, fens qu’on puilfe en excepter un feul. U y
aura toujours entre les corps terreftres de ceux de
DES PETRIFICATIONS. 6 9
la mer, de même qu’entre les efpéces des uns Sc
des autres, la différence que le fege& libéral Auteur
de la Nature y a mife dès le commencement ;
jamais des femences d’épines ne formeront des
branches de coral : des poules couveront mille ÔC
mille fois des oeufs de cannes , de perdrix, defai-
fendes, il n’en proviendra jamais des poulets. Quelque
part que tombe un gland, il ne produirafere-
ment jamais qu’un arbre de l’elpéce de celui qui
l ’a porté.
Ma quatrième obfervation fera que les germes
les plus parfaits, ôc les femences des animaux &
des végétaux qui contiendraient tout ce qui eftné-
ceffaire pour produire des plantes, ou des animaux
de leurs efpéces, demeureraient fens fécondité,
s’ils étoient tranfoortés de leur élément dans un autre
, ou s’ils étoient Amplement déplacés, ou même
fi demeurant dans l’endroit que le Créateur a formé
pourledévelopement ôc la nutrition des germes
ôc des femences qui doivent perpétuer chaque
elpéce de plantes Sc d’animaux, ils étoient
empêchés ou trop prelfés par une matière étrangère
; c eft ainfi que les femences du corail & des
autres plantes marines demeureraient infruclueu-
fes dans la terre ; que des oeufs d’oifeaux ou d’in-
feéles ne pourraient pas éclore, s’ils étoient transportés
hors de leurs nids, ou placés dans des endroits
oppofés à ceux dontles femelles font choix,
ou fi la chaleur qui. difpofe la matière dans l’oeuf
étoit diminuée de quelques degrés : ÔC beaucoup