
15 D I S C O U R S SU R L 'O R IG IN E
que des volcans Sc des tremblemens de terre auront
, il y a cinquante & cent mille ans , brife Sc
culbuté des rochers du fommet des montagnes,
d où les rivières auront amené ces débris, Sc les
auront menuifés jufqu’à les réduire en fable ; que
ces pierres Sc ces fables répandus dans les plaines
, ou dans le lit de la mer,' ont formé des couches
Sc des bancs, qui, ayant fait changer le point
de pefanteur, une partie du globe s’eft élevée d’un
cote, Sc s eft abaifîèe de 1 autre ; de forte que c’eft-
là 1 origine, non feulement des fables Sc des pierres,
mais auffi de nos montagnes. Ce fera, dira-»
t-on encore, dans quelques-uns de ces bancs que
fe feront formés ces vuides, remplis de toutes fortes
de criftalifàtions, qui adhérent en tout fens aux
grottes, comme le tartre adhère aux tonneaux.
Que cela foit arrivé ainfi, ajoûtera-t-on, c eft ce.
qu on peut inférer de ce que les rivières entraînent
des cailloux, des pierres & du fable jufques
dans la mer ; qu’il fe fait actuellement des atterrif-
femens en divers endroits de fon lit, Sc que l ’on
trouve par le calcul, qu’entrente, quarante ou cinquante
mille ans, les pluyes coulant du haut de*
montagnes Sc de la pente des terres, par le canai^
des fleuves Sc des rivières, peuvent réduire un®
partie du Monde à niveau du lit de la mer. Ceci
eft d autant plus certain, que la quantité prodi-
gieufe^de toutes fortes déplantés, de coquillages
, d oflèmens d’Animaux terreftres, Sc fùr-tout
marins, que 1 on découvre dans les couches de la
D É S P Ï Ë R R Ë S .
ferre Sc dans les bancs des rochers, doit y avoir
été introduite par la répandue des rivières Sc par
les ondes de lamer, àmefurequelles arrangeoient
les fables Sc les pierres le long de fes rivages. C e la
étant ainft, il fera facile, dira-t-on enfin, d’expliquer
la pétrification de toutes ces diverfes productions
du régné 'végétal & du régné animal, qui
embarraiïe nos Philofbphes modernes, Sc qui pa-
rok être comprife dans la queftion générale, qui
concerne laformation des Pierres.
Il n’eft rien déplus plaufible que ces raifons, Sc Rép0nfe
rien de mieux imaginé quel’hipothéfe fur quoi on raifons qu’on
les fonde ; mais le malheur eft, qu’il n’y a ici que vlellt de raf>'
de la vraifèinblance : l’on n’y a pas autant d’égard r
qu’il le faudroit aux régies générales de la Mécanique
de notre Globe, non plus qu'à divers phénomènes
qui renverfent l ’hipothéfe dont il s’agit.
Je conviens que les pluies Sc les neiges humectant
les rochers du haut des montagnes ; que le
Iroid de l'Hyverfùccédantà la chaleur de l ’Eté, Sc
la chaleur de l’Eté fùccédant au froid de l’Hyver ,
il arrive que les rochers fè fendent, Sc tombent
par leur propre poids en fe féparant, ou font ren-
verfes par de violens tourbillons, ou par des tremblemens
de terre. Je conviens encore, que les
avalanges entraînent en bas tout ce qui fe trouve
dans leur chemin | & que les eaux de pluie Sc la
fonte des neiges, coulant de tous côtés dans l’entre
deux du plus haut des montagnes , elles châtient
tout ce qui fè trouve à leur paflàge, minent