
i 45 LETTRE SUR UN ELEPHANT
que l’Auteur l’appelle ; car quoique les molécules
de la matière du ftra tum eulTent déguifé quelques-
uns des corps dont il s’agit | en s’infinuant dansles
interllices de leur fùbftance organifee, &enl’en-
velopant, il failoit fè crever les yeux volontairement
pour ne point voir que leur figure externe
& interne, & toutes les autres marques de ftruéture
organique, nepouvoient déligner que des parties
de fquelettes de divers animaux. Ajoûtez à cela
qu’une legere comparaifon des corps déguifés avec
ceux qui n’avoient fùbi aucun changement fenfi-
ble, étoit très-facile à faire , Sc ne pouvoir manquer
de forcer à conclure que les uns Sc les autres
étoient de même nature ; e’eft-à-dire, que c’é-
toient des olfemens, des mâchoires Sc des dents,
qui avoient furement appartenu à des animaux de
differentes efipéces.
Je ferois aufîi ridicule que ces Phificiens , qui
attribuoient la formation de tant d’oflèmens à quelque
vertu plaftique, ou à quelqu’autre principe
auflï chimérique, fi je m’amulois à prouver que des
mâchoires avec des dents encore inférées dans
leurs alvéoles , ne fçauroient s’être formées dans
des couches de terre, ni dans des bancs de rocher.
Il eff plus convenable de remarquer que les oflè-
mens de Ca n fia d s’étant trouvés envelopés dans
un lit d’une matière qui les avoir rendus caflans
pour la plupart, il leur eft arrivé comme à l’éléphant
de T o n n a , Sc même encore pis, parce que
les Ouvriers de Canftad n’ayant pas ufé d’autant
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de précaution que ceux d e T o n n a , en déterrant les
olfemens de Wirtemberg, il y a bien de l’apparence
qu’ils en briférent un grand nombre, & augmentèrent
par-là la difficulté de les reconnoître
aux perfonnes déjà prévenues de faulfes idées liir
ces matières.
Quoi qu’il en foit, excepté les dents, qui font
déjà, à peu près, de la nature des pierres, Sc quelques
olfemens qui ont été garantis comme par hasard
, les couches de l’Europe ne font pas, à beaucoup
près, aufft favorables à la confervation des
défenfes Sc des autres os des éléphans, que les lits,
ou les collines de la Sibérie. Je dis les couches de
l ’Europe, parce qu’ayant vu des fragmens confi-
dérables de défenfes d’éléphans trouvés en Italie,
fis etoient en tel état qu’on n’auroit pû les employer
à en former quelque ouvrage , Sc la pétrification
& laftruéfure des dents mâchelieres Sc in-
.cifoires, n’y feroit nullement propre.
Il ne refte donc que les ollèmens & les défendes
d’éléphant qu’on découvre en quantité en Sibérie,
qui puilfent fervir à faire diverles fortes d’ouvrages
que lès Ruffes vendent à la Chine. Et fans
m’arrqter à prouver que les fquelettes énormes
qu on trouve en divers endroits de la Sibérie font
certainement des fquelettes d’éléphant (au moins
ceux qui ont des défenfes de plufieurs pieds de
long), Sc non de l’hypopotame ou de la vache
marine, ou du rhinocerot, comme quelques Ecrivains
l’ont foupçonné ; je me contenterai de finir
Tij