
16 D I S C O U R S SUR L’ O R I G I N E
1er, tout au plus, que l’eau qui feroit au-deflùs du
■ niveau des terres. Ceci arriveroit d’autant plus facilement,
que la matière de la moitié des Alpes,
fuppofé quelle pût être entraînée, combleroitune
partie des vallées, & les petites plaines qu’il y a
entre les fources de ces fleuves Sc les lacs où ils
fe rendent. Ces lacs, qui, comme prefque tous
les autres, font des réiervoirs pour empêcher que
les eaux ne s’écoulent trop promptement dans la
mer, fe rempliraient de fable Sc de pierres, ôc
formeraient un niveau d’autant plus difficile à fur-
monter, que le Rhin Sc le Rhône couleraient avec
moins de rapidité.
Cet exemple fournit une autre raifon pour ren-
verfer l’hipothéfe des répandues. Il faudrait plus
de cent millions d’années feulement pour combler
le lac de Confiance ou celui de Genève. Si l’on calcule
à proportion du peu d’efpace que les Pierres
Sc les fables ont gagné fur l’un Sc l’autre de ces
lacs, depuis quatre mille ans que l’Hiftoire du
Monde nous efl afîêz connue,~ nônobftant la rapidité
naturelle Sc accidentelle du Rhône Sc du Rhin.
Ajoutez à cela, que les perfbnnes qui ont voyagé
dans les Alpes depuis Nice jufqu’à Venife, ne peuvent
ignorer, fi elles y ont voulu faire quelque attention
, que ce n’eft que dans quelques endroits
peu confidérables, comparés à toute i’étenduë de
la chaîne de ces montagnes, que l’on remarque
l’effet de la chûte des rochers Sc des ravines fur-
venues depuis quarante fiécles dans ces endroits.
De
D E S P I E R R E S . * 7
De forteque quelque calcul que l’on faffe, quand
même on le poufferait jufqu’à des millions de millions
d’années, on n’accorderoit jamais un tel calcul
idéal avec les phénomènes de la Nature.
Appliquons encore tout ceci à nos montagnes
& à notre la c , pour rendre l’objet plus frapant. Je
ne crois point être téméraire, fi j’ofe dire qu’il efl:
impoflible que notre lac puifle jamais être rempli
par la matière des montagnes qui l’environnent,
tandis que les régies que D i e u a établies pour
les mouvemens de la Terre, ne changeront point.
La raifon de cela efl:, que des montagnes telles
que le font les nôtres, beaucoup moins hautes que
1 es Alpes, 8c dont la pente efl: allez douce, qui font
toutes couvertes d’herbes Sc d’arbres, defquelles il
ne découle que très-peu ou point de ruiffeaux ; de
telles montagnes, dis-je, ne donnent prefque aucune
prife à la rapidité des eaux, qui pourraient
entraîner leur matière.
Les Naturaliftes ont obfèrvé que les montagnes
couvertes d'herbes^dc d’arbres, ne donnent jamais
de fontaines Sc de ruiflëaux, excepté quelquefois
au bas. Et c’eft-là précifément le cas des nôtres,
ainfi que je viens de le remarquer. La Serriére, un
petit ruifîeau près A’Auvernier, un autre ruiflèau
fous le Bois delà Lance, la Reuje à Saint-Sulpi, Sc
peut-être quelques-autres, démontrent à l’oeil cette
vérité.
Il efl: vrai que le Se ton, la Reuje, l ’Arnon, &
quelques autres rivières ou ruiffeaux moins confi