
j 6 LETTRE SUR L’ORIGINE
qui domine fur le chemin des Ponts à Morteau, un
peu plus haut que la Moleta, il fe trouve autant de
pointes d’hériflons de mer, de tubulaires de différentes
efpéces , de petites écailles d’huître qu’il
peut y avoir de fourmis dans tout ce diftriét. J’ai
découvert des amas de ces pointes d’hériffcns de
mer en fi grand nombre dans un pâturage qui eft
au revers du petit Village dit le Paquier dans le
Comté de Vallangin qu’on pourrait s’imaginer que
tous les cruftacées de cette e/péce qui exiftoient
avant le Déluge ont été là enfevelis. Et pour finir
ces particularités par le récit de ce qui te trouve
aux portes de notre Ville, je dirai qu ayant fupputê
combien d’hériflons de mer de l’elpéce des Spata-
g i, il peut y avoir dans la marne qui fert de bafè à
cette malfe de roc qui s’étend depuis le donjon ju£
qua Vauxfeyon, ce qui fait environ un quart de
lieuë, 8c encore à ne prendre que dix pieds de largeur
fur cinq de profondeur ; j’ai trouvé que ie.
-nombre de ces coquillages monteroit à quatre cent
mille, fans parler des pétoneles, des moules, dés
bucardes& des cornes d'ammon qui s’y trouvent
pêle-mêle. Pour faire cette fupputation, j’ai ob-
fervé le nombre précis des hériffons de cette espèce
qui: furent trouvés dans un petit efpace que
je mefurai, 8c dont la marne 8c la terre refîèm-
blent à celles qui continuent la même couche dans
l etenduë que j’ai marquée ci-deiïùs. On peut juger
par-là que le fond du Vignoble qui s’étend-
^epuis le chemin dont j’ai fait, mention jufqu’au:
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lac,' peut contenir des milliars defoffiles de cette
forte. Ainfi, en fuppofànt qu’il peut s’en trouver à
proportion dans les autres endroits de ce Pais, que
les autres parties de la Suifle n’en font pas moins
remplies',.& qu’une quantité égale ou approchante
a pénétré dans le fein des Provinces de l’Europe
, qui font de la même étenduë, on pourra le
faire quelque idée de la multitude que j’ai eu def-
fëin de confidérer dans cet article.
Joignez à cela, que depuis la difperfion & le
tranfport de ces corps marins, il eh a péri un très-
grand nombre, très-peu de ceux qui étoient répandus
fur la furface de la Terre , ayant pû écha-
per à faction continuelle de l’air 8c aux autres injures
du tems ; les torrens 8c les rivières en ayant
enfeveli beaucoup d’autres dans les matières qu’ils
charient, ou les ayant portés dans le fèin des
lacs.
Or cette multitude innombrable de foffiles de
tant d’efpéces, ne fçauroient nous permettre de
croire qu’ils ayent été apportés 8c placés où ils font,
par des hommes qui auroient habité les côtes, ou
par des oifeaux de proie, par de hautes marées ou
par des inondations particulières, en un mot, par
aucun des moyens imaginables, fi l’on en excepte
un Déluge & un bouleverfèment général. On eft
forcé au moins de reconnoître que tous les endroits
du Globe où font enfèvelies ces dépouilles d’animaux
marins 8c ces plantes originaires du même
élément., ont été couverts de fes flots,- & c e que