
i i 6 LETTRE SUR LES POISSÔNS
bien voulu enrichir depuis peu mon petit Cabinet
de coquilles Sc de pétrifications.
J’ai cru ne pouvoir mieux vous marquer combien
je fuis fenfible à ce bienfait, qu’en vous adrefi*
fànt mes penfées fur le changement en pierre des
petits crabes qu’on trouve fur le rivage de la Côte
de Coromandel y puifque les deux petits animaux
pétrifiés de cette efpéce tiennent le premier rang
entre les curiofités que je dois à votre amitié.
Divers Auteurs ont parlé de ces cancres pétrifies.
Ils ont dit qu’il s’en trouve en quelques endroits
de la C h in e , fur les côtes de cet Empire , en fille
d ’H a in a n , fu r les côtes du J a p o n , Sc fur celles de
Coromandel. J’ai vu , il y a bien des années de ces
cancres ou crabes des Indes pétrifiés dans des Cabinets
de divers Curieux d ’Italie. Mais le peu de mo-
mens que je les eus fous les yeux, ne peut me permettre
de concevoir rien de décidé fur la nature
de leur pétrification, parce que le Pere M a r tin i dit
dans Ion A tla s C h in o is , fur la foi de quelques Ecrivains
de cette Nation, que cette forte de cancres
font vivans au fond des lacs ou de la mer, Sc qu ils
fe pétrifient quand on les en tire. Ce neft donc
que par le don gracieux des deux dont il s agit ,
que je fuis en état d’ofer allurer que leur changement
en pierre ne diffère point de celui de tous
les corps du régné végétal Sc du régné animal pétrifiés
, dont les montagnes Sc les terres des quatre
parties du Monde font fi abondantes.
Pour fe convaincre que la pétrification des crabes
de la côte de Coromandel eft abfolument femblable
à celle de tous ces corps en général, Sc en particulier
à celle des cancres pétrifiés d ’Ita lie , d e F rance
Sc même de l’A m é r iq u e , il n’y a qu’à réfléchir fur
la conformité parfaite desunsdt des autres. Ils font
en effet, à la figure & à la couleur près , abfolument
la même chofe. Tout ce qui s’eft confervé de la
croûte extérieure des uns Sc des autres eft fi parfaitement
femblable à celle de ceux qu’on tire delà
mer, qu’on les croiroit avoir été fraîchement pêchés
s’ils avoient toutes leurs parties, Sc fi leur pe-
fanteur n’en faifoit appercevoir la différence. ‘
L’efpéce de terre ou de marne fine durcie en
pierre qui remplit l’intérieur de toutes les parties
de ces crabes pétrifiés eft abfolument de la même
nature, excepté que celle des crabes de Coromandel
abonde un peu plus en particules ferrugineufes, à
peu près de couleur de rouille, que la marne des:
crabes des montagnes dè V e ro n e . Il y en a cependant
quelques-uns de ces derniers, où Ion voit
âufli de la mine de fer, comme par exemple, dans
un des. plus beaux qu’on puiflë voir de cette efpér
ce, qui orne le beau Cabinet de curiofités naturelles
de M. le Confeiller de S a n d o ^ en cette Ville. *
Tous ces crabes pétrifiés, de quelque Pays qu’ils
foientjfont ordinairement défectueux : il leur man-
que tqûjours quelque jambe, l'une ou. l’autre ferré
les antennes à ceux qui en avoient. Ils font quelquefois
privés de toutes ces parties-là, comme en
deux de différente'efpéce, d’ailleurs très-beaux,