
8(5 L E T T R E SU R L ’O R I G I N E
Mais pour Amplifier l’hypothéfe que j’ai adoptée
, 8c pour ne pas chercher bien loin le diffolvant
dont D ieu s’eft fervi pour opérer le changement
qu'il trouvoit à propos de faire au Globe terreftre,
je le trouve dans le liquide même qui inonda la
première Terre, &qui en détruifitles Habitans.il
eft évident que ce menftruea pû produire cet effet
fur tous les corps qui incruftoient l’ancien Globe,
fi la tiffure, la cohéfion& la folidite des parties de
la matière dont ils étoient compofés, étôient différentes
de celles que ces corps ( je parle principalement
de ceux qui appartiennent au régné minéral),
ont reçues depuis le Déluge , comme les
fels & les gommes, par exemple, different des
cailloux 8c du fable.
L’Eau a pu auffi détremper ces corps & le s mettre
dans un état de fluidité , quand meme on leur
attribuerait une cohéfion 8c une folidite appro-
chantes de celles quils ont aujourd hui > fi la com-
preffion de l’air contribuoit à cette folidite de à cette
adhérence des parties, comme on voit que des
corps bien polis qui s’appliquent exactement 1 un
fur l’autre, fe féparent avec beaucoup de peine : il
fuffiroit de fuppofer que cette compreffion irait
moindre alors, ou que par l’intervention de laPuif-
fance divine, cette gravitation fut fufpenduë.
Pour établir la poflibilité dé la diflolution des
parties folides de l’ancienne Terre par l’un ou l’autre
des moyens {ùppofés, je ferai remarquer avec
quelques Sçavans, la différence qu il y a entre la
D E S P E T R I F I C A T I O N S . 87
tiffure des pierres & des autres minéraux, & celle
- des.végétaux & des animaux:; ceux-ci compofés
de parties longues, fibreufes, engagées & entrela
c e s les unes dans les autres, peuvent difficilement
fe diffbudre dans l’eau ; les autres , au contraire
étant compofés, comme le montrent les expériences,
de petits grains, ou de parties courtes,
qui ne peuvent pas s’engager l ’une dans l ’autre,
mais qui fe lient par une fimple application & contiguïté
, ils doivent plus aifément être diffous.
Quant à l’eau, Moïfe nous apprend une particularité
très-remarquable , au Chap. II. de la Genefe,
lorfque parlant de la terre, après que Dieu l ’eut
créé, il obferve que /’ Eternel nefaifoit point pleuvoir
fur la terre ; mais qu’il s’en élevoit des vapeurs, qui
retombant enfuite , arrofoient toute la furface de la
terre; car c’eft ainfl qu’il faut traduire ce paflûge ,
8c nullement comme fait notre verfion, qui infère,
je ne fçais pourquoi, une négation dans ce verff 6.
Et ce qui montre que ce qui eft dit dans cet endroit,
doit s’entendre de tout le tems qui a précédé
le Déluge, c’eft que Dieu dans l’Alliance qu’il
traita avec Noé établit l’A c-en-Ciel pour en être
le ligne : Et voici quel fera lefgne de l’Alliance queje
traite avec vous & avec toutes les Créatures qui ont été
aveevousdans l'Arche. Je mettrai mon Arc danslanuée,
afin qu’ilfoit pour unfigne de l’Alliance que jetraite avec
la ’Terre , & il arrivera que quand j ’aurai couvert la
Terre de nuées, cet Arc pâroitra dans la nuée. Il eft
évident, ce me fémble, que Dieu parle dans cet