
pa L E T T R E SUR L ’ O R IG IN E
V..Le Déluge auquel nogs rapportons tous ces
changemens eft un fait miraculeux, ou tout-à-fait
extraordinaire , il eft vrai, mais qui eft auffi très-
poffible ; & j’ajouterai qu’il paroîttrès-vraifëmbla-
b le , lorfqu’on l’envifàge comme un événement
qui fervoit à deux grandes fins, dont l une étoit la
punition des Habitans de la première Terre, Sc
l ’autre, le changement du Globe qu’exigeoient la
conftitution, la durée, Sc la multiplication des
hommes, qui dévoient peupler de nouveau la
Terre.
Au premier égard, le Déluge étoit le fléau qui
s’accordoit le mieux avec la bonté du Souverain
Juge, laquelle tempère fouvent les Arrêts de là
Juftice, Sc qui l'engage à le propofer toujours le
falut des pécheurs qu’il retranche, lorfqu’ils ne font
pas entièrement endurcis ; cette punition étant
très-propre à faire déplorer aux Habitans de l'ancien
Monde leur aveuglement Sc leur obftination.
En effet, lorfque ce? hommes que Noé avoit en
yain follicitésà la repentance, que la conftruélion
de l’Arche n’avoit pas pû ébranler , Sc -qui laifle-
rent écouler les fix-vingts ans que Dieu leur avoit
accordés comme un délai fuffifànt pour les gagner
; quand, d i s - j ec es perfonnes qui s’étoient
étourdies jufqu’alors, furent témoins du miracle
qui avoit raflèmblé des animaux, des reptiles, &
des oifeaux de toutes les efpéces, Sc qui les fit entrer
làns confufion dans l ’Arche ; quand elles virent
tomber la pluie ( ce qui étoit un phénomène
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nouveau ) , Sc fur-tout dan? l ’abondance qui ré-
pondoit au volume d eau que Dieu avoit amaffe
dans l’athmofphére ; quand ces habitans du premier
Monde apperçurent l ’éruption de celles qui
purent fortir à grands flots du lèin de la Terre, ou
l’enfoncement de la croûte fùpérieure du continent
que les eaux avoient minés gjià quelques endroits
; ou qu’ils virent peut-être la grande mer,
par un mouvement inconnu jufqu’alors porter lès
eaux bien avant dans les terres ; ,peut-on douter
qu’en abandonnant leurs demeures pour chercher
des aziles dans les lieux élevés, ils ne fiiflentper-
fuadés alors que les menaces de Dieu s’accomplif-
foient, Sc que confidérant leur mort comme inévitable,
ils n’ayenc demandé grâce au Souverain
Juge, Sc cherché fincérement à le fléchir ? On ne
conçoit donc,rien de plus propre à leur faire déplorer
leur aveuglement, leur folie, Sc leur criminelle
fécurité, qu’un événement de la nature de
celui-là.
J’ajouterai que cette inondation générale portant
par tout les dépoiiilles des animaux Sc des
corps marins , Sc laiffànt par cela même dans tous
les coins de la Terre qui dévoient être habités dans
la fiiite des tems, des veftiges Sc des monumens
d’un Déluge, pouvoit confirmer la révélation qui
a luivi | Sc donner des avertiffèmens bien férieux
aüx Habitans de'la féconde Terre.‘ Ils voyent,
comme à l’oeil, dès qu’ils font ufage de leur raifon
Sc de leurs fens, la ve'ngeance qui a éclaté contre