
U 8 LETTRE SUR LES POISSONS
que j’avois, & qui fontàpréfent dans le Cabinet
de la Bibliothèque publique de Genève. Je puis
même vous affûter, M O N SI E.U R , que de plus
de vingt cancres pétrifiés, que j’ai vûs en divers Cabinets
d ’Italie S t de S u ij je , il n'y en a aucun à qui
il ne manque quelque chofe. Les deux du Cabinet
de feu 1 liluftre M. Nico la s de JF^ifgen , l’un de
la C h in e , 1 autre de Y A m é r iq u e , reprélèntés dans
R um p h iu s , Tab. LX. font dans le même cas.
Outre ces marques qui défignent néceffairement
un état violent & forcé dans lequel ces «»rraont
été ; ils en'ont encore d’autres non équivoques,
qui témoignent d’une manière infaillible qu’ils ont
tous été enjevelis dans des couches où les uns ont
étéécrafés, d’autres y ont été contournés, S t d’autres
y ont reçu divers enfoncemens par les différentes
preflions des couches mêmes, ainfi que cela
eft arrivé à une grande quantité de toute forte de
coquilles S t d’autres corps marins, que l’on rencontre
en différentes couches deTa terre.
Nonobftantces défauts, plus ou moins fonfibles
dans la plûpart de nos petits Animaux pétrifiés,
'’onobferve encore dans plufieurs avec admiration,
les marques vifibles de leurs yeux: ce qui met entièrement
hors de doute, même les plus incrédules
,-lùr la véritable origine de ces crabes changés
en pierre.
Néanmoins vous me direz peut-être »MONSIEUR,
que le Pere M a r tin i allure, ainfi que
je l’ai déjà remarqué, que les cancres dont il s’agit
PÉ’T R I F IE ’ S. n p
Jb n t v iv a n s au fo n d de l'ea u , & qu’ils ne f e changent en
pierre que quand ils vien n en t à l'a ir. Vous ajouterez
même, que les côtes de la mer où on les trouve,
femblent confirmer ce que le Pere M a r tin i en dit.
Je réponds, que l’affertion de ce Jéluite n’eft
fondée que fur la crédulité de l’Auteur C h in o is§
qu’il afuivi, S t qui, lui-même peu inftruît lùr cette
matière, avoir ajouté foi à la relation de quelques
ignorans. Ceux-cî, en effet, voyant que l’on
tirok de tels cancres du fond de quelque lac, ou
qu’on les trouvoit au bord de la mer, crûrent bonnement,
ïàns autre réfléxion, que ces animaux vi-
voient dans l’eau, S t fe pétrifioient dans l’air.
Mais outre les faits avérés dont j’ai fait mention,,
qui détruifent la penfée mal-fondée des Chinois ,
nous avons l’exemple de plufieurs pétrifications
de produéfions marines, que l’on trouve for les
bords- & au fond du lac d’A n g erbourg en P r u jfe ; S t
celui de divers hériffons de mer changés en vrais
cailloux ou pierre à fufil qu’on trouve lùr les rivages
de la mer de Lubeck. ; hériffons que les vagues y
amènent en les enlevant des couches de pierre à
chaux qui bordent ces mers-là, ainfi que celles
d A ngleterre S t de France vers le P as de Calais.
Tout ce que je viens de dire prouve fuffifam-
ment , à mon avis, que la pétrification des crabes
de Coromandel, de la Chine S t du J a p o n , n’eft point
differente de celle des crabes d’I ta lie , de France S t
de 1 Amé riq u e ;8 c qu’ils appartiennent, par confiée
quent, les uns S t les autres, m grand changement