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peau, ou une croûte bitumineufe, qui répond aflez à la Glu noire,
qui fe trouve dans les creux de quelques Veflies de Perles. On la
voit quelquefois auflî dans les coquilles, & les nacres, s’étendant
en cercles autour de leurs extrémitez. Une grande quantité de
ces pièces, que je garde dans mon Cabinet, me perfuade là-de£-
fus fuffifàmment.
S i l’on prefente à la flame d’une chandelle cette fûbftance
noire, qui fe trouve dans les veffies des perles, elle rend la même
odeur que les Lithophyton.
J e vois bien qu’il faudroit faire là-deflus une nouvelle fuite d’ex-*
periences ; mais mon état préfent ne me permet pas d’y employer le
loifir néceffaire, ayant confommé le peu, que j ’en ai eu, aux autres
Parties de cet Ouvrage.
L ’eau de
la mer a un
Tartre & une
glu capables
de caufer des
changemens
dans le baf-
fin.
Experiences
qui le prouvent.
O n peut conclurre cependant de toutes ces démonftrations, que
l’Eau de la Mer a naturellement un T artre , & une glu qui la rendent
capable de caufer des alterations dans le Baflîn. Quoi que j ’aye
vu dans la Mer un grand nombre de productions pierreufes, qui font
des effets du fel & du bitume ; j ’ai pourtant toujours penfe que cet
amas de nouvelle matière fe forme très-lentement, & que même le
temps le confùme en partie; car autrement la diminution, qui fê
fêroit faite du baflîn, depuis tant de milliers d’années auroit fans
doute caufé des inondations, ou de nouvelles ouvertures dans le Continent.
Mais ayant affez parlé de cela, dans la première Partie de cet
Ouvrage, je reviens à dire que ces amas de Tartre & de pierres ne
font faits par l’eau de la Mer, que peu à peu & fort lentement. Une
expérience, que j ’ai faite, en peut fervir de preuve. J’en ferai la
comparaifon avec ces dépofitions de Tartre & de pierres que j ’ai ob-
fervées dans les Eaux de Riviere. La première eft dans la Croatie
inferieure, & dans le Bain de Carloftadt en Boheme.
riSceeip'" J E pris une corde de trente brades de longueur, & fùfHfante à la
profondeur de l’endroit de la Mer, que j ’avois choifi. Je lui attachai
dans la diftance de chaque braflé de petites cordes au bout desquelles
je mis des morceaux de toille, de drap, de cuir, d’os, de
corne de divers animaux, de differens bois fecs, & verts les uns ayant
leur écorce & les autres non, des feuilles feches & des branches
vertes avec leurs feuilles. Ces rameaux étoient de Myrte, de Romarin,
& de Laurier. Au bout de la grande corde l’on fùfpen-
dit une grofle pierre afin de la tenir tendue à cette profondeur
de trente braffes que j ’avois choifie, & afin que tous les matériaux
fufpenfùfpendus
aux petites attaches reftaflent dans la difpofition ; qu’on
leur avoit donnée, Cette corde étoit attachée hors de l’eau à un
écueuil, toutefois âu bout de cinq femaines l’impetuofité des ondes
la fit détacher & tomber dans le fond, interrompant l’ordre de ces
diverfes profondeurs, que je defirois d’obferver en ces differens
corps, qui trempoient dans l’eau. Nonobftant cela je voulus
laiffer la corde ainfi précipitée dans le fond de la Mer l’efpace
de trois mois, qui étoit le terme que je m’étois prefcrit, pour
connoître quelle quantité de Tartre pouvoit s’unir fur les matériaux
que j ’ai fpécifiez, & pour voir fur lequel de ceux-là cette union fe
trouveroit faite plus confiderablement.
A u bout de ce tems-là, je fis pêcher la Corde avec des crampons
de fer, & étant tirée dans le Bateau, & conduite au Rivage, je l ’examinai,
& je trouvai uniquement fur les feuilles de Myrte une legere
écorce de tartre , de couleur de chair mêlée de blanc. Sur quelques
autres morceaux de bois, je vis dans les entaillures qui étoient dans
l’écorce de petits Globes d’une fûbftance glutineufè cendrée &
couverte d’une membrane blanche coriace. On ne découvroit
pas la moindre dépofition, für toutes les autres fortes de matériaux.
J ’ e x a m i n a i l’écorce très-deliée de tartre, qui s’étoit formée fur Calcul &
les feuilles de Myrte, dans l’efpace de trois mois, & fiipputant à pro- rSSfcàr8
. A 1 ’ r r r dont ce Tarportion
quelle auroit pu etre Ion augmentation, dans l’accompliflement *" p£utdétre.
d’un an entier; je trouvai que fa grofleur auroit été aprochante de «“ “ “j“'
celle d’une feuille de papier ordinaire; laquelle grofleur, multipliée Monde’
par cinq mille, qui eft le nombre des années du Monde, n’auroit pu
augmenter & élever le Baflîn de la Mer de plus d’un pied, puis que
dans cinq cens ans, luivant ce que j ’ai compté, cette fûbftance de
tartre exiftante dans l’eau de la Mer de Provence & dans les lieux,
où tant de plantes pierreufes végètent, ne peut qu’à peine s’amafler
à l’épaifleur d’un pouce.
C e t t e déduction fait voir bien clairement que les eaux infipides ta «UI
& minérales qui coulent dans la filperficie de. la terre font, quoi que
très-legeres, au poids, beaucoup plus remplies de particules de tar- l ’P^ftpcr-
tre, que n’eft l’Eau de la Mer ; puis que les Minérales de Carloftadt,
dans la Boheme, couvrent dans peu de jours des feuilles, & des fruits de tartre-
d’une croûte grofle comme la moitié du dos d’un coûteau, & que
dans trois, ou quatre ans, elles bouchent entièrement les Canaux de bois,
par lefquels elles coulent dans des recipiens pour l’ufage des malades.