ï i P R E F A C E .
ricufimcnt à bout de beaucoup d'autres ,
que les plus habiles du M é tie r ay oient, a
peine, ofé fouhaiter. E n cela , i l a imité
(Cyrus , Mithridate ,© Diofcoride, qui,
célèbres par les armes ,ne Je font pas moins
difiingués, par la connoiffance des chofes
naturelles. M a i s , n en fiions point fu r -
p r is ■ au lieu que la plupart des autres
Généraux donnent ordinairement les heures
, que leur laifent leurs travaux ©
leurs Joins militaires , au J e u , à la ‘D é -
hanche , aux Spectacles > aux î 5laifïrs
qui leur peuvent fa ir e pajfer le tems , ce
Héros p lu s fage les a toujours conjacrées a
l'unique étude de la Na tur e , pour en découvrir
l'ordre , les ouvrages , les loix
(S pour aquerir une connoijfance parfaite
d'une chofe f i b e lle ,fi utile,® f i nècejfaire.
E n é fe t , peut-on trop admirer cette Ja-
g e fe ,q iii lui fa ifa n t éviter avec foin,tous
les vices atachès naturellement, pour ainfi
d ir e , à la v ie militaire , qui le détournant
des atraits des plaifirs dangereux ,
© des engagemens fouvent funefles du J eu
© au V in , l'a porté à cultiver f in genie
fu b lim e , en lui infpirant le goût d'une
Science folide ! Mais peut-on, en même
tems, trop admirer le bonheur qu'il a eu,
de fa ir e de f i grands progrès dans cette
noble Science, que, par les fervicesfigna-
lé s qu'il a rendus au Siecle p r é fen t, & à
la p ojle rité, i l leur a fourni le p lu s exemp
le de vertu ; ® , qu'il a immortalijé f in
nom, en leur impofant l obligation d une
reconnoijfance éternelle ! Car (foit q u 'il conduisît
les Troupes, dans un Décampement ;
fo it qu'il eût un Camp fix e © arrêté-, fott
qu'il allât à laD é co u v e r te , ou au Four tige
, ou pour fa ir e du bois -, fo it qu i l f u t
en quartier d *E té , ou en quartier^
d.'Hiver , i l étoit toujours atentij a
tout ce qui pouvoit être de quelque ufa-
ve phyfique ; © , dès qiCil rencontrait
quelque chofe de p a r e il, i l le couchoit
foigneufiment fu r f i s tablettes , ferrant
© ramajfant toujours ; faifant fans cejfe de
nouvelles provifions , pour les mettre
au jo u r , quand i l en feroit tems. C e f i
ainfi, qu'il objervoit avec fo in , les M ontagnes,
les Vallé e s, les Fleuv e s, les L a c s ,
les Etangs, les M e r s , les Rivages, les
B o is , les Forêts-, p a r -to u t, i l cher choit
à découvrir la maniéré dont agit la N a ture,
Je défiant de tout, fans complaifance
pour lui-même , n'écoutant que les loix
de la N a tu r e , i l a toujours pouffé fa gé-
nereufe entreprife. Jusqu ici , ce ne font
que les recherches qu'il a fa ite s fur Terr
e , qui fo n t, fans doute,dignes de louange
s, quoi-qu'elles ne (oient pas incompré-
L E C T U R 0.
Sic dimidiati fere Ipatio feculi in
hisce fe geflît eo fucceffu, ut plu-
rima affedtaverit , de quibus alius
nemo vel cogitaverat , perfecerit
multa, quæ Principes.in Arte Viri
vix votis attingere aufi fuerant.
Cyrum in his , Mithndatem , &
Diofcondem imitatus, qui bello cla-
r i , in reram naturaliura cognitione
palmam tulerunt. Neque mirum :
quod enim cæteri belli Duces a la-
bore militari vacuum & a cura tem-
pus, aleæ, commiffationibus, fpec-
tacuiis , aliis voluptatibus dare relent
, ut tædia otii fallant ; omne
veto illud fapiens hic Héros uni N a-
turæ ftudio l'acravit, ut liujus infti-
tuta, opera, leges perfpiceret, ani-
moquefuo conciliaret cognitionem
rei tam præclaræ , utilis, neeeffa-
riæque. Sapiens ! qui vitæ mili-
taris propria fere declinans vitia ,
illecebras damnofæ libidinis, &fu-
nefta toties Bacchi aieæque pericula,
fublime ingenium folida potius fa-
pientia excoluit Felix ! cui con-
tigit tantum _lgi_ ---- >profeciffe in nobili
Scientia, ut prxclare merendo, &
leculo praefenti, & venture pofte-
ritati, redte agendi exemplum prx-
buerit, memoriamque pulchreme-
riti luam immortalitati adfcripfe-
rit. Sive enim copias duceretmo-
tis caftris ; five haberet ftativa ;
fpeculatum ire t; vel excurreret pa-
bulatum , frumentatum , aut ad
lignationes, & materiationem ,• five
in a’ftiv-is verfaretur vel hibernis ;
Temper circumfpexit omnia, fiquid
forte phyficos in ufus notare poffet,
quoties tale quid fe ingerebat folli-
cite ftatim fuos in Commentarios
retulit, legens Temper, condens-
que, quod tempeftive poffet de-
promere. Ita ille Montes, Valles,
Campos,Flumina,Lacus ,Stagna,
Maria,Littora, Nemora, Saltus,
per-
L E C T U R 0.
perferatatus ubique, Naturæ agen-
tis modum obfervavit fedulo ; omnibus
diffidens, nec fibimet indul-
gens, fobs Naturæ didtantis legi-
bus obfequens, generofum Temper
propofitum promovit. V erum
omniahæc commemoratahadtenus,
Terra quæ indagavit, forte utmire-
ris, tamen intelligere queas, forte
Sc ipfiim T e imitari poffe putes :
quid vero, dum per Marium hor-
rida, diras tempeftates, inter mille
mortis intentatæ pericula, fiii fe-
curum, atque tranquilla ad ftudia
Naturæ mente utentem, fpedtas ?
Admiratione abripiaris , Numici
licet poffideas ingenium, omnino
necefle eft. Inter nauticam plebem,
qua haud aliud durius hominum
genus vel magis rude , afperrimos
inter Pifcatores, politiffimis excul-
tum moribus Virum verfantem
Ipedta. Mille hi quæftionibus torti,
coadti ad inlueta quæque, ad con-
temta, & negledla fibi jam obfer-
vanda impulfi, afoera verba , in-
fiiltos jocos, mydterismos affiduos,
ingérant. Cundta hæc vel viliffimo
hominum intolerabilia concoquen-
da fiint genorofo Pedtori. Si irri-
tati femel vix placandi erunt , nifi
nummis vel potu fedaveris. T a li
emit pretio feientiam f ib i, alios ut
docere poffet, quid ipfa res habeat,
quidque iu abfeondito rerum parens
agitet. Præivit firo fic exemplo ,
quibus vellet artibusNaturam inda-
gari, atque tradi deinceps in fiio
Bononienfi InJhtuto. Quod regio
animo , regalibus dotatum rediti-
bus , e rexit, Artibusque facravit
liberalibus, vere regium & ftupen-
dum opus. Sed ego defino plura de
his; : viventis modeftia filere jubet,
quæ fuperftes poft fata per fecula
omnia deprædicabitfama. Quare ab
his averfus ftylus eo fe vertat potius,
ut Operis contenta paucis enarret.
P R E’ F A C E . u t
henfibles ; © qu'il puiffe même fe trouver
des gens, qui f e flatent de le pouvoir imiter.
M a i s , que dirons-nous, de le v o ir ,
parmi les horreurs des Me r s, parmi les
tempêtes afreufes, parmi mille dangers,
qui le menacent d'une mort prefque certaine,
de le v o ir , dis-je, fans foin pour
lui-même , aporter toute la tranquilitê
de f in ejprit à C étude de la Nature ? On
ne peut ici s'empêcher d être ravi en admiration
, quand on aurait le naturel de
Numicus. Confiderez lhomme du monde
le plus p o li, parmi des Matelots , parmi
des ‘Pêcheurs ,c e fl-à-dire, parmi les gens
les p lu s brutaux, © les plus greffiers : i l
les quefiione, i l les prejfe fu r tout ce qui
n'eft p a s ' ordinaire ; i l les force d’ob-
fe r v e r des chofes, qu'ils ont toujours mé-
p r ifé e s , ou du moins, auxquelles ils n'ont
jamais fa i t d'atention ; e u x , de leur cô té ,
ne lui répondent, qu'avec des duretés, que
par demauvaifes © infipides railleries, que
par desinfultes continuelles. I l fa u t qu'un
homme de qualité digéré un traitement ,
qui feroit infuportable à des perfonnes de
la p lus baffe extra&ion. S i ,par malheur,
ils viennent à s'ir rite r , t l n'eft pas fa c ile
de' les apaifer -, & ce n'eft qtià force d'argent
, ou de les faire boire, qu'on en p eut
venir à bout. C'eft à ce p r ix , qu’i l a
aquis la Science,pour pouvoir infru ir e les
autres de l'effence des chofes ; ® leur découvrir
les reffors cachés de la Nature.
C'eft a in fi, que , p a r fion exemple , i l a
f a i t v o ir , p a r quel chemin, U voulait qu''on
allât à la recherche de la N a tur e , ® qu on
l'enfeignât, dans y»» Institut de B ologne.
Cette Academie, que fa gène-
rofité lui a fa it é r ig e r , © enrichir de
revenus f i confiderables , a é té p ar lui
confacrée aux A r t s liberaux : y eut-il
jamais rien de plus glorieux -, y eu t-il j a mais
une entreprife p lu s digne d'un Roi ?
Mais c'en eft affez , fu r ce fitjet. L a
Modeftie de notre Auteur nous impofe le
filence, pendant fa v i e , fu r une infinité
de chofes ; que la Renommée , qui lui
fu r v iv ra , ne ceffera de publier ju sq u 'à
la fin du Monde. Tirons donc le rideau
fu r tous ces objets ; © atachons nous à
déclarer, en peu de mots, le contenu de
l'OuVrage.
L a Raifon humaine a reçu de la main
adorable du Créateur de toutes chofes, la
fa culté de connaître certaines propriétés
particulières des Corps , © qui tombent
fous les Sens : C'eft une v é r ité f i bien
établie , que Pyrrhon même ne le nierait
p a s , © que Socrate n’oferoit le révoquer
Ça) z en